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NOV 12

La gardienne du château de sable

Ce qui se découvre aussi au fil des voyages en enfance, là-bas sur le divan d'elle, ce sont les instants oubliés par-delà l'indicible, les secrets et le fil de fer barbelé.
Et c'est pour ça sans doute que cet auteur-là, Christian ESTEBE, amoureux de la femme première, m'accroche aussi et me trouble tant. 

 

Extraits :
Elle aimait les animaux, du moins prétendait-elle les aimer. Lorsqu'elle passait par des phases de dépression, elle s'écriait :
« Sale vie ! Je voudrais partir par tous les chemins que je pourrais trouver. »
J'ai fini par faire comme elle. Moi aussi, je pars par tous les chemins que je trouve.

[…] Elle aimait les tortues aussi. Personne ne savait pourquoi. Même pas elle, probablement. Elle allait acheter ces bestioles chez le grainetier de la rue du Cheval Vert.
Elles lui ressemblaient ses tortues. Même façon de s'habiller en gris banal, en marron froid, même âge indéfinissable. Elle leur donnait toujours le même nom : Sophie. […] Elle ne savait pas que les tortues hibernent. Aussi, lorsque l'animal ne courait plus sur les carreaux de la cuisine pour lui échapper, mais restait sans bouger au fond de sa caisse, elle la croyait morte et la balançait dans le vide-ordures, puis courait en acheter une autre qu'elle prénommait Sophie. » p. 43

Nous marchons dans une rue de Palavas-les-Flots, elle me parle, il fait beau, j'écoute la musique de sa voix. Soudain, sa tête heurte l'angle d'un volet qu'elle n'a pas vu : elle saigne !
Quelque chose s'ouvre en moi. Avant, il ne pouvait rien arriver à ma mère, ce jour obscur m'apprend que je peux la perdre… Nous allons dans une pharmacie, je suis effondré. On la soigne, ça ne sera rien : un pansement blanc, couleur du deuil des reines. p. 146

Le bonheur est presque à portée de main. Il suffirait pour que je l'attrape de me pencher un peu, mais j'ai peur de tomber. p. 172

Christian ESTEBE, La gardienne du château de sable, Juin 2012.
Un livre "achevé d’imprimer en juin deux mille douze par l’imprimerie Floch à Mayenne, quelques jours après la fête des mères" chez Finitude

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