03
MAI 15

Rencontre avec Gabriel Venancio

Une école de commerce et puis très vite la responsabilité des offres et du marketing pour des marques réputées : Mars, Granini, Flunch… Manager d'équipes, responsable de business unit et puis membre du comité de direction… le parcours de Gabriel Venancio semblait tracé d'avance. Et pourtant, l'été dernier, c'est comme si quelque chose s'était grippé dans cette trajectoire-là.

Alors, pour mieux rebondir, son entreprise lui propose un coaching de type "outplacement", avec un cabinet réputé aussi. Mais à ce programme tracé d'avance encore, Gabriel aime ajouter comme un autre grain sable : il me rencontre et négocie un double accompagnement pour provoquer le sensible et l'imprévu.

Et j'ai eu envie d'interviewer Gabriel parce que l'accompagnement en double ça frotte, ça accroche ! Et puis au fil de nos séances ce n'est pas le retour en entreprise que Gabriel interroge, projette, mais son "job out" : créer un métier inédit dans le secteur de la santé et en duo avec un associé. Et ça non plus ce n'était pas prévu dans le programme initial.

Rencontre singulière.

 

André : Ajouter du coaching au coaching, ce n'est pas banal ; pour vous qui venez du monde de la restauration, est-ce une forme de gourmandise ?

Gabriel Venancio : En effet je suis gourmand ! Et j'ai essayé de marier deux saveurs pour en sublimer le goût ! C'est la complémentarité des deux approches qui m'a guidé. D'un côté, une méthodologie structurée pour me projeter dans le futur, sur la base d'un parcours professionnel et de savoir-faire acquis ; et de l'autre, une approche plus déstructurée, plus émotionnelle, avec des jeux d'aller retours et de flashback, pour mieux me comprendre, déceler ce qui est "engrammé" en moi et éclairer les choix à venir. Ces deux approches se nourrissent l'une l'autre et cela permet de remplir les zones d'interrogations qu'une telle démarche crée. C'est aussi plus exigeant pour les deux coachs qui récoltent une part du travail réalisé par l'autre et qui doivent alors s'adapter ; plus exigeant aussi pour moi car je dois « animer » cette dualité et tirer le maximum de ces apprentissages. Au final, je suis conforté dans mon choix car la fusion des deux approches m'a profondément enrichi et m'a ouvert de nouvelles perspectives plus ambitieuses et plus justes. Et maintenant, comme disent les anglais, « the proof will be in the pudding » !

A : "Animer la dualité" ; oui, d'emblée, vous avez suscité confrontation et ajustements entre vos deux coachs. Et le premier duo qui peut inspirer la dualité c'est le couple des parents ; alors j'ai interrogé cette manière-là de faire, singulière et "engrammée" aussi peut-être. Mais avec ces retours dans le passé, ce côté psy, on est bien loin d'un coaching professionnel, non ?

Gabriel : Quand on ajoute l'adjectif « professionnel » à un mot, on s'enferme dans la sphère du travail : un travail professionnel, une attitude professionnelle… comme si on pouvait séparer le professionnel et le personnel. J'étais aussi persuadé que j'avais des attitudes et des façons de faire différentes en entreprise et chez moi ; mais le double accompagnement m'a montré que je suis un seul et même individu, nourri par l'ensemble de mon parcours, riche de complexité. Les expériences se mêlent et il est difficile de savoir qui de la poule ou de l'œuf a été le premier. En considérant la personne dans son ensemble, l'accompagnement est plus efficace. La question n'est pas de savoir si le coaching est professionnel mais de savoir si le coaching est efficace. Et pour cela, il faut aborder la sphère personnelle, il faut remonter assez loin, il faut un peu de côté psy qui, aujourd'hui encore, s'apparente à un gros mot ! L'important est de ne pas rester dans les « limbes » du passé mais de construire les projets futurs.

A : Les "limbes" ça m'évoque un entre-deux aussi, une autre forme de dualité peut-être ; vos deux accompagnements se terminent et vous décidez de continuer sur un fil, un seul, ce fil "déstructuré", "émotionnel", ensemble et sans fin programmée ; pourquoi  ?

Gabriel : Nous vivons tous des cycles : de développement, de maturité et de déclin. Et j'ai choisi cette phase de maturité dans laquelle je me sens pour anticiper un nouveau cycle. Je remplace mon accompagnement plus méthodique par une prise de recul sur le monde du travail. Je m'engage aussi auprès du Réseau Entreprendre Nord pour accompagner des jeunes créateurs d'entreprise ; cela me confronte à des problématiques business mais hors de mon business traditionnel. J'ai aussi décidé de poursuivre l'aventure de l'accompagnement mais sur des bases différentes car ma situation personnelle a évolué. La continuité de la relation est primordiale d'où mon choix de renforcer le lien avec le coach que j'ai choisi et qui m'a choisi. Les thèmes abordés ensemble sont plus en lien avec mon actualité. C'est aussi un travail du « quotidien », une forme d'hygiène intellectuelle tout comme le sport pour l'hygiène physique. C'est un de mes apprentissages que de maintenir cette « hygiène personnelle » pour ne pas retomber dans le syndrome du « je n'arrive pas à prendre du recul ». Un vœu pieu souvent mais qui ne tient qu'à la volonté de chacun de placer ce travail-là comme prioritaire dans son agenda personnel, de prendre rendez-vous avec soi-même.

A : Aimer accompagner de jeunes entrepreneurs ; être pressenti pour diriger un bureau de coaching… ; peut-être est-ce comme ces patients qui, au fil ou à la fin de leur analyse, ont parfois l'envie de passer de l'autre côté du divan ?

Gabriel : C'est vrai il y a chez moi une forte envie d'échanger, de co-construire, d'accompagner, d'être en interaction avec des horizons variés et parfois éloignés de mes domaines de compétences. Mais ces démarches sont aussi très égoïstes, je trouve ! Cela alimenterait ma propre soif de savoir. Mon engagement est sincère, complet, ce qui me permet d'être très à l'aise avec cette démarche. Comme le souligne Réseau Entreprendre je me retrouve dans cette réciprocité qui permet en donnant beaucoup de recevoir encore plus. Mais passer de l'autre « côté du divan » demande de limiter ses projections vers l'autre et c'est un point sur lequel je trouverais mes limites ! Mais je ne dis pas non, alors je mets à profit toutes ces expériences pour me développer et m'améliorer afin peut-être un jour de pendre la place sur le fauteuil de celui qui écoute.

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