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AVR 19

Une soirée particulière

Il y avait une soirée jeudi dernier pour en finir avec le coaching. Cette idée d'en finir, c'est l'ouvrage collectif écrit par les 23 étudiants du master coaching à Paris II après leur année universitaire 2015-16 : Pour en finir avec le coaching ? Tel qu'on le pratique aujourd'huiL'ouvrage est paru chez L'Harmattan en décembre et les auteurs organisaient une soirée de lancement chez l'éditeur.

Et il y avait une table ronde à laquelle j'étais invité, avec Thierry Chavel, le directeur du master. Moi, pour savoir à quoi m'attendre et ne pas trop dérailler, j'avais demandé les questions un peu avant.
Mes notes ici en partage.

Soirée dédicace « Pour en finir avec le coaching ? »
28 mars 2019 – L'Harmattan

1. Comment voyez-vous l’évolution du coaching dans les années qui viennent ?

Plusieurs tendances de fond : standardisation, codification, réglementation (cf. "les onze compétences du coach")…

Mais je n'en déplie qu'une seule ici ce soir : la segmentation. Comme le DSM, le manuel diagnostic de santé mentale : fragmentation des situations et des "traitements", des gestes de coach. Les "soft skills" : gestion du stress, CNV, leadership, influence, intelligence collective, agilité…

Comme une réponse au désir de maîtrise… Une illusion bien sûr. Mais sans doute moins de place pour les failles et les erreurs humaines. Et tout le contraire aussi : ce qui est refoulé, empêché, se défoule, se déchaîne

2. En tant que Directeur et enseignants du Master, comment avez-vous personnellement vécu le projet de ce livre ?

Un peu comme un anthropologue sur le terrain du désir, du "rouge désir". Et ici en cohorte. "L'intelligence collective" comme on dit. Un regardeur donc avec ma pulsion scopique : un duo homme/femme à l'origine et puis un beau jour ça s'est défait, je ne sais pas trop pourquoi, et ça s'est refait sans doute et autrement

Donc une ambition forte et inédite de votre côté. Et jusqu'où ça irait tout ça ? je me suis demandé. Est-ce que ça irait "à terme" ? Réécrire vos mémoires en chapitres, relier tout ça ensemble, trouver un éditeur, publier.
Et c'est allé plus loin : 23 + 2. Thierry et moi. Et puis ça continue encore ce soir.

Mais je n'ai pas été que témoin. Oui, j'ai aussi été "otage". Otage "symbolique". L'acte manqué de la 4ème de couverture : mon nom oublié. Alors sur le coup, forcément, j'ai été meurtri. Mais juste après je me suis dit : un acte manqué c'est un désir inconscient. Comme "le meurtre du père de la horde primitive". (Freud : Totem et Tabou). C'est bizzare, pour moi, c'était plutôt Thierry Chavel "le père de la horde", officiel. Mais ça c'était pour moi !

Et puis je vous ai aussi pris en otage ! Oui, de mes recherches, de mon enquête.
Les prises d'otage ça déclenche des syndromes dans l'intimité du ravissement : syndrome de Stockholm ou de Lima. Les otages tombent amoureux de leur ravisseur. Ou l'inverse. Et ils se libèrent. Aujourd'hui peut-être qu'on se libère mutuellement. Ou bien au contraire on s'attache un peu plus, les uns les autres.

3. En étant vous-même auteurs d’ouvrages sur le coaching, qu’est-ce que cela vous a apporté dans votre pratique du coaching ?

Auteur et coach. Écrire et Accompagner. De la table d'écriture au divan ou au fauteuil. Aller et retour. En séance, j'ai toujours une tentation à laquelle je tente de résister : inviter ceux que j'accompagne à écrire. Surtout les coachs. Et donc votre livre me soumet encore plus vivement à la tentation !

« Ne nous soumets pas à la tentation mais délivre-nous du mal. » Mais j'ai vu que c'était en réécriture cette partie-là de la fameuse prière.

4. Qu’est-ce qui, d’après vous, a permis à ce collectif d’auteurs, que vous avez eu en cours pendant 1 an, d’arriver à la rédaction et à la publication d’un ouvrage collectif ?

C'est une question d'enfance, je trouve. Oui, pourquoi la vie ? Et cette forme-là de vie ? Pulsion de vie ou de mort.
Il y a un roman d'Amélie Nothomb sur cette question : "Une forme de vie" justement. Un soldat américain qui fait la guerre en Irak et qui devient obèse. Il a une relation épistolaire avec Amélie. À la fin, Amélie prend l'avion vers les États-Unis pour le rencontrer et au moment de renseigner le questionnaire anti-terroriste, elle répond Oui ! elle est terroriste, elle transporte des explosifs, etc.

5. Quels sont les spécificités de l’enseignement de Paris II, la couleur propre de ce Master, que vous retrouvez dans ce livre ?

Y a-t-il une couleur "propre" au master ? En tous cas, vous, vous avez choisi la couleur. Le rouge, votre couleur de baptême.
"Le rubis a horreur du rouge". C'est Jacqueline Scheaffer qui décrit ainsi le rapport de l'hystérique avec la sexualité. Une métaphore inspirée de la minéralogie : Le rubis est une pierre qui absorbe toutes les autres couleurs du prisme et les garde pour elle. Elle rejette le rouge et c'est ce qu'elle donne à voir. De même que le rubis, l'hystérie chatoie, elle nous donne à voir son horreur du rouge, de la sexualité, l'exhibition de son traumatisme.
C'est une ruse du moi que de montrer ce qui est le plus menaçant et le plus menacé, ce qui est étranger, haï, ce qui fait mal et à agresser avec ce qui agresse.
Il faudrait déplier ici la question du sexuel adulte et infantile, du courant tendre et du sensuel.
Bref. Peut-être que vous ajoutez ou retirez une couleur au master, que vous gardez et donnez à voir une couleur particulière. Pleine d'ambivalence…

***

La photo, là, c'était un soir aussi. Mais à Majorque, tout au bord de la mer, cet hiver.