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SEP 23

Effets secondaires

C'est bizarre, enfin c'est complètement inattendu, je me découvre à présent bien curieux d'un domaine où j'étais un vrai cancre au collège. Oui, l'histoire-géo. Surtout l'histoire.
Le côté cancre c'est sans doute parce que la prof m'intéressait bien plus que sa matière alors. Je me souviens, elle déboulait le matin dans le parking des profs en Skoda. Toute jaune. Une voiture des pays de l'Est, encore rare à l'époque. Elle m'intriguait – la prof pas la voiture –, j'imaginais une femme qui venait du froid et c'est son histoire à elle que j'aurais préféré connaître.
Parce qu'il y a forcément des « jeux de transfert » entre les élèves et les profs. Une forme de sublimation de la libido. Quoiqu'on en dise. Oui, c'est ça au fond qui nous donne du goût pour le savoir, qui porte notre désir d'apprendre.
Sauf que parfois la vie pulsionnelle se déchaîne sans apprendre les détours ni le passage par une sorte de désexualisation. Un passage obligé mais qui devient un circuit du plaisir. Là, j'entrais en adolescence et, derrière mes apparences, j'étais bien déchaîné.
 
Bref. L'autre jour, tout d'un coup, j'ai eu envie d'ouvrir mon bar à podcasts avec une série spéciale sur Jean Moulin, l'homme politique et résistant français.
C'était sur France Culture, l'une des « Grandes Traversées » de l'été. Des épopées radiophoniques au long cours, avec plein d'archives, de témoignages et de débats sur des hommes et des femmes qui ont marqué l'histoire.
J'avais eu cet élan-là aussi, quelques semaines plus tôt, pour un feuilleton sur Rose Valland. Une sorte d'espionne, une héroïne de l’ombre qui permit de reprendre aux nazis des milliers d'œuvres d'art qu'ils avaient pillées.
Et je me découvre complètement accro alors. Oui, accroché de bout en bout à ces histoires d'exception.
 
Peut-être aussi parce que c'est mené à la manière d'une enquête ici, avec plein de questions sur la vie de ces personnages, mais des questions qui restent indécidables, ouvertes. Par exemple, pour Jean Moulin, peut-on retrouver dans sa jeunesse, dans ses prises de position, des signes annonciateurs de son héroïsme ?
Cette curiosité toute nouvelle est pour moi un effet secondaire du divan. Inattendu, car jamais je n'ai abordé ça en séance, ma distance face à des matières plus ou moins étrangères. Un effet non désiré donc mais pas du tout indésirable. Au contraire.
C'est comme si, j'étais moins occupé à présent par mon histoire particulière, moins prisonnier peut-être de ma « fixion ». Et de proche en proche alors, ça laisse le champ grand ouvert pour penser et aimer en « zone libre » en quelque sorte... En tout cas, l'analyse élargit l'espace pour la vie psychique.
 
 
CODA : Et rien à voir avec l'histoire-géo, depuis quelques jours, j'écoute avec beaucoup de goût aussi une série spéciale « Vie et mort du chirurgien ». Une plongée dans le dedans des corps, des organes, au plus intime, avec des dissections, des opérations, à la morgue ou au bloc. Avec aujourd'hui la montée en puissance des robots. La bande-son est parfois très crue, sans filtres et donc assez insoutenable. Sur ce fil des traces de jeunesse, de signes annonciateurs peut-être, j'ai d'abord pensé à la dissection des grenouilles en sciences nat. Avec ma prof que j'aimais bien. Et l'inverse aussi j'imaginais. Mais c'est un « souvenir écran ». En fait, la première chirurgienne de mon histoire, même si elle n'était pas diplômée pour ça, c'était ma mère. Oui, avec le lapin à la moutarde le dimanche midi par exemple. Pour le préparer, elle en attrapait un dans le clapier le samedi et, après, je ne vous fais pas un dessin sur le côté insoutenable aussi.
 
***
 
La photo, là, c'est à Madrid. Sur leurs portes, les gens ne posent pas qu'un judas. Non, ça fait aussi hygiaphone. Pour tout à la fois voir et parler. Sur le seuil...