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JAN 25

Partir en vacances

Après coup, c'est évident ! Il y a bien deux positions : Auto & Manuel. Auto pour la modulation heures pleines / heures creuses. Manuel pour choisir le moment. De jour comme de nuit. Jamais je n'avais imaginé avoir la main ici.

C'est sur le tableau électrique, une sorte de contacteur sensible pour l'eau chaude. J'ai découvert ça au retour des vacances. Ça change tout. Plus besoin d'attendre après les heures creuses pour une douche.

Mais alors, pourquoi on floute, on oblitère, on se confisque ce qu'on a sous le nez depuis toujours ?

 

Je sais bien, c'est l'une des formes de la névrose : s'inventer des manières particulières de penser, de faire, les encoder, les engrammer, et vivre sa vie comme ça, en position plus ou moins Auto. Sans trop savoir alors qu'il y a d'autres formes de vie...

Bref. Là, juste avant de partir à la mer avec Eva, comme d'habitude, j'avais coupé les deux ou trois fusibles du chauffe-eau pour éviter que ça tourne chaque nuit pour rien. Un ballon de 300 litres quand même. C'est pas mal d'économies de bout de chandelle. Je fais ça aussi pour la wifi, avec la box et les répétiteurs.

Et c'est une forme de répétition justement. Oui, en enfance, je me rappelle, il fallait toujours couper l'eau, le gaz et l'électricité. À la source : le robinet près du compteur, dans la cave, le détendeur sur la bouteille de gaz, le disjoncteur général. Il n'était pas question d'économies d'énergie à l'époque, c'était surtout pour éviter Dieu sait quoi pendant les vacances. Une fuite, un dégât des eaux, un court-circuit en plein orage, une explosion... Tout ça ajoutait pas mal de tension entre mes parents. Des retours arrière, des faux départs... Cette excitation-là faisait partie du voyage. Des préliminaires en quelque sorte. Mais je vois bien que partir en vacances, ou ailleurs, c'est aussi laisser derrière soi tout un monde.

Il faut dire que, pour vivre ensemble, mes parents avaient dû fuir leur île natale – un vrai jardin botanique –, alors peut-être que chaque départ leur faisait revivre cette sorte d'exil.

Quoiqu'il en soit, aujourd'hui j'évite de mettre Eva dans la boucle de tous mes micmacs. Un été, après avoir bien arrosé le philodendron, le pilea, la plante ZZ et les autres, j'avais été plus radical pour l'électricité. Oui, j'avais coupé le disjoncteur. À la source. Sans chichi. Mais sans penser non plus au frigo. Avec dedans, pas mal de denrées périssables.

Au retour, on a trouvé un bouillon de culture à tous les étages. Un peu comme Fleming qui avait laissé dans un coin de son labo plein de staphylocoques et qui – au retour de vacances aussi , a découvert une sorte de champignon foisonnant et tueur : Penicillium notatum, le premier antibiotique naturel. Oui, ce champignon-là avait éliminé les bactéries tout autour de lui.

Bref. Si j'avais associé Eva ici, cela aurait sans doute changé les choses. Mais je vois bien que je redoute une excitation d'un autre temps dans notre duo. Cela crée quand même une tension sourde. Une sorte de répétition à l'envers alors.

– Dis, t'as pas fait des choses trop bizarres ? me demande Eva quand on part en vacances.

Un autre été, il y a eu Neko-Mimi, une chatte trois couleurs qui n'était que de passage, par moment. Sauf qu'elle aimait beaucoup aussi l'odeur d'Eva. Elle est restée enfermée dans son dressing pendant toutes les vacances. Et tout ça, sans manigance particulière. Le pauvre animal est maintenant dans un attachement insécure. Et encore plus accro au parfum d'Eva.

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En photo, là, les différents fusibles du chauffe-eau avec en particulier le contacteur sensible.