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JUN 18

Un livre pour l'été

« … Ce que nous nommons besoin dans la sphère entrepreneuriale se mue en désir sous la plume des auteurs. Désir à la fois inassouvissable et moteur de vie : sans désir pas de vie, et avec le désir de la souffrance. » C'est Jean-Louis Muller qui écrit ces lignes-là à propos de l'ouvrage que j'ai écrit avec Eva : "Érotiser l'entreprise".

C'est à la Cegos que j'ai rencontré Jean-Louis. Consultant en management, il animait les stages "millionnaire" (c'est-à-dire avec toujours, depuis les origines, plein de stagiaires). Mais c'est surtout dans un groupe animé par François Balta, médecin psychiatre et thérapeute familial, que je l'ai côtoyé de près. Ce n'était pas du tout millionnaire ce groupe-là, plutôt discret et intimiste. Et c'était de la supervision, donc pas du tout psychiatrique ni thérapeutique a priori, mais chaque consultant percevait au fil des séances combien son histoire personnelle, ses pulsions et tout ce qu'il voulait tenir à distance, s'emberlificotait au fond avec sa pratique et ses fantasmes professionnels (ses désirs de puissance, de maîtrise, de savoir…). Je me dis aujourd'hui que c'était un peu comme la « thérapie institutionnelle », avec Jean Oury. Oui, quand les soignants savent bien qu'ils sont tout aussi « dérangés » au fond que ceux qu'ils veulent soigner. Et c'est à partir de là que j'ai eu envie d'aller voir ailleurs, enfin plus du côté de chez moi.

J'ai aussi aimé continuer de voir Jean-Louis parce qu'on est devenu voisins, à la campagne, avec Eva. Et il a aimé lire notre livre paru au printemps et puis écrire à son tour quelques lignes.

« J'ai lu ce livre d'une seule traite. Il se construit autour de narrations passionnantes de séances de coaching où se nouent et se dénouent les liens entre la vie en entreprise, l'entreprise de soi même et l'entre–prise entre coach et coaché.
En 1980, j'avais eu la chance de rencontrer Max Pagès, après avoir lu : « L'emprise de l'organisation ». Il avait réalisé un travail d'enquête , digne d'un ethnologue dans une entreprise que je connaissais bien pour y intervenir souvent. Résumons sa thèse : au delà du salaire, des primes et des conditions de travail une entreprise s'assurait l'engagement, voire le dépassement de ses collaborateurs en se focalisant sur le nœud où s'entremêlent angoisse et plaisir. J'ai depuis exploré cette thèse en repérant, derrière les discours et pratiques rationnelles, des fantasmes, des désirs érotiques, des sublimations et des régressions. Cette dimension invisible à l'œil nu est la toile de fond de ce livre. Ce que nous nommons besoin dans la sphère entrepreneuriale se mue en désir sous la plume des auteurs. Désir à la fois inassouvissable et moteur de vie : sans désir pas de vie, et avec désir, de la souffrance.
Ce contexte étant posé, les séances de coaching décrites dans le livre visent à aider les clients à établir des liens entre leurs histoires personnelles et professionnelles sous l'angle des stades de développement de l'enfance. Cette prise de conscience est ensuite exploitée de manière à débloquer des situations présentes douloureuses. Eros et Thanatos ne restent pas dans les vestiaires des entreprises et des organisations ; il s'y épanouissent avec vigueur.
Les auteurs révèlent, presque sans pudeur, ce que j'apprécie, les fantasmes érotiques surgissant dans les liens coach/coaché. Ces désirs dans l'ici et maintenant sont les reflets des désirs dans l'ailleurs et d'autres temps.
Je diffuse ce texte sans en avoir parlé avec Eva et André, et j'espère que vous avez compris que j'ai beaucoup apprécié cet ouvrage. » 
Jean-Louis Muller - 22 juin 2018

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ÉROTISER L'ENTREPRISE, Pour des rapports professionnels sans complexes - Eva Matesanz et André de Châteauvieux - Éditions L'Harmattan

Jean-Louis tient aussi un blog sur les questions et l'actualité du management : L'Express Entreprise