11
AOU 09

L'espèce fabulatrice

Je profite d'une escale de quelques jours par ici pour partager une lecture de l'été :
L'espèce fabulatrice de Nancy Huston, publié chez Actes Sud dans la collection Un endroit où aller.
Cet essai philosophique est un bel endroit où aller… se poser, s'interroger, comprendre, voyager, réfléchir.
Aller se poser aux côtés de cette auteure, née au Canada et qui vit en France, romancière, essayiste et aussi musicienne.
Un endroit pour s'interroger sur « A quoi ça sert d'inventer des histoires, alors que la réalité est déjà tellement incroyable ? »
Pour comprendre comment « la narrativité s'est développée en notre espèce comme technique de survie » face à notre fragilité et notre besoin de Sens ; comment notre cerveau est un conteur inénarrable qui fait notre humanité.
Un livre pour voyager à travers les fictions et les croyances, primitives ou modernes, riches ou pauvres, belles ou brutales, familiales, tribales, religieuses ou politiques, qui donnent forme et sens à notre vie.
Pour réfléchir sur les fables intimes qui engendrent l'amour et sur les récits guerriers qui engendrent la mort.
Un essai, philosophique et poétique, pour rester le romancier du livre de sa vie.

Extraits choisis :

« Dans une espèce fabulatrice (la seule occupée à comprendre le lien entre sexualité et reproduction), c'est un peu blessant pour l'un des sexes de constater qu'il doit la vie à l'autre, que le féminin – insigne injustice ! – engendre du féminin et du masculin, et que, dans cette histoire si cruciale qu'est donner la vie, on a l'air de n'y être pour pas grand-chose.
D'où la nécessité d'affirmer haut et fort la paternité : par le tabou de la virginité, la punition des épouses infidèles, la transmission du patronyme, et ainsi de suite. D'où, aussi, la fiction la plus répandue en matière de rapports entre les sexes : que l'homme "possède" la femme.
Soit ponctuellement (copulation), soit de façon permanente (mariage).
Le mariage est une réalité humaine c'est-à-dire une fiction, à laquelle notre espèce a décidé d'adhérer il y a des millénaires, car c'est elle s'est avérée utile à notre survie. Elle nous aide à déterminer, quand naissent des enfants, qui en est le père.
[…]
La famille nucléaire est l'une des grandes spécificités d'Homo sapiens. Au lieu de se battre constamment pour obtenir les faveurs des mêmes femelles, les mâles humains pouvaient revendiquer chacun les droits totaux sur une – et du coup, partir travailler ensemble, l'esprit tranquille. Cette collaboratrice exceptionnelle entre les mâles de notre espèce a engendré… la civilisation !
En d'autres termes, l'idée selon laquelle chaque homme était le propriétaire exclusif d'une femme, même si elle s'est trouvée démentie à d'innombrables reprises, a permis à l'humanité de faire de grands bonds en avant. Elle a bondi tellement en avant, l'humanité, qu'elle a réussi à bousiller la planète sur laquelle elle vit et se retrouve désormais en mesure de s'exterminer elle-même. »

« Il n'est ni possible ni souhaitable d'éliminer les fictions de la vie humaine. Elles nous sont vitales, consubstantielles. Elles créent notre réalité et nous aident à la supporter. Elles sont unificatrices, rassurantes, indispensables. On a vu qu'elles servaient au pire. Aux génocides comme à la Chaconne en sol mineur pour violon seul  de Johann Sebastian Bach. »
L'espèce fabulatrice,
Nancy Huston, Actes Sud, 2008.

En savoir plus : Nancy Huston sur Evene.fr

***
Sur les thèmes de l'Histoire, des fables d'amour ou de guerre, à voir aussi cet été au cinéma : The reader.
Et pour un regard narratif sur ce film : le blog de Pierre Blanc-Sahnoun. The reader Part 1 & Part 2