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JUI 07

Peut-on coacher le changement ?

C'est le titre d'un chapitre destiné à un ouvrage collectif sur le coaching d'entreprise. Ce livre, co-écrit avec des coachs de dirigeants, paraîtra début 2008 aux Editions d'Organisation. Voici, en primeur, l'introduction de ce chapitre qui pourrait aussi s'intituler : Le coach entre toute-puissance et impuissance…

"Accompagner un dirigeant et son équipe pour franchir un cap stratégique, coacher des hauts potentiels pour déployer un nouveau mode de gouvernance, développer la capacité de changement d'une organisation…
Autant de situations qui semblent conférer au coach un pouvoir singulier pour "conduire", "manager", "accélérer" et réussir le changement…
Le changement humain est-il "coachable" ? Le coach est-il un stratège du changement ? A quelles sources trouve-t-il sa puissance ? Et comment se confronte-t-il à ses limites ?"

Le coach stratège du changement ?

Est-il possible de conduire le changement ? J'ai perdu cette illusion lors de mon passage du conseil expert en "conduite humaine du changement" vers le métier de coach. Un passage ou plutôt le désapprentissage patient d'une expertise construite au fil des années, au cœur de changements drastiques et complexes. Une transformation continue, personnelle ou peut-être un simple changement de regard sur le changement : le changement humain est un processus vivant, 100% naturel. Et, comme la vie, il ne s'apprend que dans l'instable et l'incertain.
Pourtant, vouloir le conduire et même l'accélérer, est parfois une demande de l'entreprise et une promesse du coach. Ainsi le coaching sportif, avec ses dimensions d'entraînement à l'excellence, de discipline et de haute performance, participe de ce désir de puissance transposé au management.
Le champ des thérapies - cognitive et comportementale, "stratégique", "brève", "orientée solutions" - propose aussi au coach des protocoles et des modèles d'intervention pour changer plus vite, plus efficacement…


Tiraillé entre toute-puissance et impuissance

Ces nouvelles technologies du changement sont une réponse à l'exigence continue d'efficience : davantage d'outils pour des résultats plus tangibles et plus rapides.
Ces approches prennent leurs sources dans la psychanalyse. Mais depuis Freud, un retournement s'est produit sur "le marché du changement". Hier, la cure durait des années, avec plusieurs séances hebdomadaires pour le "patient". Le temps nécessaire pour que les jeux transférentiels s'installent, se répètent, se conscientisent puis se transforment… Aujourd'hui, le coach d'entreprise accompagne le client dans un parcours prédéfini, pendant quinze ou vingt heures sur quelques mois. Hier, "gouverner, éduquer et soigner" étaient des "métiers impossibles", car garantis d'emblée d'un succès incertain. Aujourd'hui, le coaching des dirigeants de proximité, se focalise sur des objectifs contractualisés et évalués avec le "prescripteur", ajoutant aux paradoxes du pouvoir moderne.
Le coaching se situe dans un entre-deux : entre d'un côté le désir de puissance au service des dirigeants, la quête de l'excellence, et de l'autre, l'imprévisible, le désordre, l'indécidable, le vulnérable, l'humain… Et le coach d'entreprise est tiraillé entre deux pôles : posture stratégique ou thérapeutique, désir de prescription ou position basse, intervention "brève" ou écoute "patiente"…
Cette tension se rejoue dans la relation entre le client et son coach dans cet autre entre-deux où s'affrontent et s'embrassent les peurs de l'un et de l'autre.

Le changement est une expérience toujours singulière et intime, alors plongeons au cœur d'une séance réelle. Ici, avec Barbara qui hésite aussi entre puissance et impuissance, diriger ou être guidée. Et qui invite son coach à affronter ses démons personnels et se transformer.
Lire l'histoire de Barbara et son coach

© André de Châteauvieux, Juin 2007.