Psychanalyse des passions dans l'entreprise. C'est le titre du livre de Roland Brunner paru l'été dernier aux éditions Eyrolles. L'auteur est psychanalyste et coach. Sa vision est singulière, polémique et décapante. La quatrième de couverture donne le ton : Faut-il être masochiste pour travailler dans l'entreprise ?
Certains chapitres aussi : Violence et passion. Le sexe des anges. La mort aux trousses. Les damnés du travail. La nef des fous…
J'avais le projet d'en terminer la lecture (passionnée !) pour vous inviter à le lire. Mais je savoure tellement chaque chapitre – de courtes chroniques, qui conjuguent éclairages psy et questions/réponses, sur les pulsions mortifères et besoins d'amour, addictions et jeux pervers qui se trament dans les coulisses des organisations – que le temps passe. Alors, sans plus attendre, je choisi ici un extrait et vous recommande de plonger dans cet ouvrage.
Déconseillé aux âmes sensibles. Incontournable pour celui qui pense qu'en se changeant soi-même « il est possible de changer son rapport à l'autre, au groupe et par là même qu'il est possible de changer un coin de société. »
« Ça ne se partage pas !
Q. J'ai 42 ans. Cadre supérieur dans une grande entreprise, j'ai une vie professionnelle réussie dans laquelle je m'épanouis. Mon mari est fortuné et a un très bon job, mais il prend ombrage de mon succès. Au lieu de me féliciter, il me tourne le dos. Sans doute manque t-il d'assurance, même s'il n'en laisse rien paraître. Il a été marié 20 ans à une femme qui ne travaillait pas. Je me demande s'il ne préférerait pas une femme plus passe-partout. Il m'est impossible de renoncer à ma personnalité. Que faire ? Le quitter ? (Arielle)
R. Pour vous répondre, je vais être obligé d'employer un vocabulaire inusité dans le monde du management, un concept psychanalytique : le phallus ! En psychanalyse, le phallus n'est pas le pénis, c'est le signifiant de l'objet du désir. Il peut prendre plusieurs formes : un nom, un patrimoine, un diplôme ou un métier prestigieux, l'argent, le pouvoir, un enfant, un diamant, une voiture de sport rouge, etc. Le phallus, c'est ce qui brille, c'est ce qui donne envie. L'avoir ou pas ? Les femmes le revendiquent, soit dans une stratégie féminine, elles vont alors le chercher chez les hommes en leur demandant un enfant et pour ça elles se font belles en se maquillant et en portant de beaux chapeaux et de belles robes pour séduire le futur père. C'est essentiellement cette stratégie-là qu'a connue Freud pour parler de l'hystérie. Mais elles le revendiquent aussi dans une stratégie virile, en prenant le pouvoir là où il est : dans la vie politique, dans l'entreprise, en étant indépendantes financièrement sans le demander aux hommes ; contre les hommes parfois. Cette dernière stratégie est de plus en plus fréquente de nos jours, c'est la stratégie de la femme en tailleur, dirons-nous par boutade. Mais c'est aussi l'enfant qui est souvent ici passé à la trappe. A ce propos, avez-vous des enfants ?
Je ne doute pas que vous vous êtes reconnue dans ce second portrait, peut-être que votre mari s'est habitué à une stratégie classique avec sa première femme et qu'il ne supporte pas que quelque chose brille à côté de ses propres éclats. Vous lui faites de l'ombre, et le phallus, ça ne se partage pas ! Mais pour vous mettre d'accord tous les deux, sachez que le phallus, personne ne l'a, ni les femmes ni les hommes, car le véritable objet du désir, c'est l'objet que l'on n'a pas, que l'on n'aura jamais. Que faire ? Renoncer à votre mari ? On a le mari que l'on mérite et, si cette relation est à ce point insupportable, il faut en tirer les conséquences. Et puis, à vous écouter, le grand absent dans cette relation semble être l'amour. Sans amour dans une relation entre homme et femme, il ne reste pus que des rapports de force. Et si l'amour est toujours là, un conseil, faites « l'homme » en public et faites la femme avec lui dans l'intimité. Mais c'est une histoire… » page 62.
Psychanalyse des passions dans l'entreprise. Roland BRUNNER.
Editions Eyrolles. Psychanalyse et entreprise. Juillet 2009. 166 pages.