03
MAR 23

Chez le coiffeur

Je sais pas si ça existe, mais c'est un peu comme un coiffeur qui n'irait jamais chez le coiffeur.
C'est à la coiffeuse, dans le salon près du théâtre, que je disais ça l'autre jour. Oui, elle prenait le temps de me peaufiner, aux ciseaux, à la tondeuse, ici et là – dans la nuque, autour des oreilles – et tout en même temps, elle me questionnait sur la psychanalyse.
Sans doute parce que la fois d'avant, j'avais évoqué un instant mon métier. Mais ça restait sans doute confus, parce qu'avec les produits L'Oréal juste devant moi – la laque souple Infinium, la pâte sculptante Tecni Art –, j'ai aussi parlé de consultations pour des entreprises parfois. Comme L'Oréal justement.

 

28
JUI 22

Back to the Jungle

Agresser l'autre c'est mieux que s'agresser soi-même !
C'est ma psy qui m'a dit ça l'autre soir. Enfin elle l'a dit de manière plus savante, avec deux mots que je ne connaissais pas. Hétéro-agressivité et auto-agressivité. Et l'une vaut mieux que l'autre donc.
Tout ça parce que depuis un moment, je balançais pas mal de noms d'oiseaux et d'insultes sur son divan. Ça me surprenait moi-même et ce n'était pas contre elle a priori. Non, j'étais en rage contre un type qui m'avait méchamment percuté en vélo 
la veille au soir. De plein fouet. Il remontait la rue en sens interdit, le nez en l'air ou un peu bourré. J'étais aussi à vélo et cette rue-là trop étroite pour l'éviter.

07
JUN 22

Me garer ou me barrer ?

L'autre jour – enfin l'autre nuit – j'ai fait un rêve qui est resté pas mal de temps dans ma mémoire vive. Oui, avec deux mots qui, côte à côte, faisaient une drôle de rime : la berge et la barge.
Un rêve phonétique en quelque sorte. C'était la première fois. Et tout ça parce que je cherchais une place pour garer ma Simca au bord d'un cours d'eau. Un canal ou un fleuve, je ne sais plus trop. Sur une sorte de berge en tout cas. Oui, je partais en voyage en avion, alors je voulais laisser la voiture là, plusieurs jours. Et je connaissais bien cet endroit-là visiblement, mais il y avait maintenant des bateaux de chantier. Des barges justement. Avec des grues dessus, des porte-conteneurs comme dans un port de commerce.
Il faut dire que cette image des grues ne m'est revenue qu'après coup, quand j'ai raconté ce rêve sur le divan. J'ai trouvé ça bizarre. Un effet du transfert sur ma psy j'ai pensé. Oui, les histoires qu'on se raconte changent avec qui on les raconte mine de rien. C'est comme les cartes postales de vacances – même si ça ne se fait plus – t'écris pas exactement la même chose à ta grand-mère et au voisin qui s'occupe de ta carpe koï. 

15
JAN 22

C'est trop mental

Des fois, dans le lieu où je reçois, j'aime bien m'arrêter un instant sur un détail, un objet. Ça me semble d'abord complètement étranger à mon monde mais, de fil en aiguille, je vois bien que ça m'est très proche. Une sorte d'arrière-monde.

Là, par exemple, plein de figures de lutte japonaise, le Sumo. C'est du combat mais ça me fait penser au Kamasutra aussi. Parce que quand les hommes se battent c'est homo-érotique aussi mine de rien. L'un n'empêche pas l'autre, au contraire. La bagarre est un alibi pour se rapprocher, se sentir, se toucher...

12
SEP 21

Un pull pour l'hiver

Sortie métro Cambronne. La jeune femme était juste devant moi avec, dans son sac, deux longues aiguilles à tricoter plantées dans son ouvrage du moment. Un pull mohair pour l'hiver visiblement. J'ai un peu flippé quand même. Oui, à cause des deux pointes vers le haut. Elle aurait pu les protéger d'un bouchon de liège. Et je l'ai imaginée un instant plus ou moins meurtrière. Mais c'était projectif bien sûr. On a tous cette envie-là inavouable de piquer la chair. Enfin, plus ou moins sans doute.
 
Il faut dire aussi que, là, j'allais sur le divan. Et dans ces moments-là, il y a pas mal de choses qui tout d'un coup s'agitent. Oui, je m'accroche à des trucs au-dehors qui en disent long sur ce qui sourde au-dedans.
 
25
AOU 21

Suggestions de rotation

Google Photos synchronise, sauvegarde, je ne sais où dans un coin du cloud comme on dit maintenant, les photos de mon mobile et puis après ça il les examine, il les décortique. Sauf que des fois, il ne comprend pas trop le sens des choses. Oui, il y a pas mal de situations ou d'objets que j'ai voulu attraper à partir d'un angle particulier.

Et aussi des clichés de toi, dans des positions plutôt inhabituelles pour le commun. Ou tout simplement un greffier qui fait la sieste au soleil, les pattes en l'air. Le lapin blanc fait ça aussi, plus ou moins.

12
AVR 21

Une folle envie de chocolat

Peinture, papier de verre, tiges filetées, etc, je venais de faire pas mal d'emplettes chez Bricoman. C'est pour un volet en bois qui a fini par s'effondrer et  ça n'a pas trop de rapport – mais j'ai eu soudain une envie folle de chocolat noir.
Oui, c'est fou parce que je n'arrive pas à comprendre ma fixation sur cette substance-là et ce côté irrépressible. Comme une addiction depuis quelques temps. Trois ou quatre carrés après chaque repas. Un naturopathe m'a proposé d'essayer le chocolat pur. C'est sans sucre, m'a-t-il dit, et on en trouve dans les magasins bio ou vegan.

02
NOV 20

Préférer vivre à la ville ?

C'était un jour de l'été, j'avais loué chez InVivo Jardins & Loisirs une broyeuse ou un broyeur – je ne savais pas encore si c'était masculin ou féminin – bref, une machine à broyer les déchets verts. Oui, parce qu'au fil des années tous les branchages, les herbes et le compost commençaient à faire comme une colline au fond du jardin. En plus, avec le coup d'arrêt imposé à toute l'espèce humaine par le virus, le printemps avait été vraiment glorieux. Et donc de grosses branches de pruniers et de pommiers, lourdes de leurs fruits juteux, avaient ployé au fil de l'été et fini par casser. J'avais tronçonné le plus gros et ajouté à la colline les feuilles, les branchages et aussi les fruits piqués par les guêpes et plus ou moins macérés. Ça faisait de la confiture au soleil.
Il y avait aussi là-dedans des morceaux du vieux noyer qu'une tempête avait fracassé en son milieu il y deux ans.

16
AVR 20

Une bête féroce

– J'aimerais tellement que mon chien me parle.
C'est la maîtresse de Bandit qui à un moment donné nous lance ça.
Son chien c'est un Jack Russell. Comme dans The Mask. Et je lui ai dit ça juste avant. Oui, j'avais envie de l'embrasser sur la truffe son chien et c'est à ce moment-là, quand j'ai vu de près sa tâche sur la tête, que j'ai pensé à ce film.
– Ne serait-ce qu'une heure, elle ajoute toujours dans son histoire avec son chien visiblement. Tout ça parce le Jack Russell se met à parler dans The Mask. Enfin quand il met le masque.
Toi et moi on est là devant elle. Il y a aussi Snow, ton loulou de Poméranie qui danse en liberté autour de nous. Et on se croise souvent comme ça tous les cinq, au milieu de la balade du soir. Oui, devant le champ des moutons, rue de la Justice. Et alors on se parle un instant de tout et de rien, comme on dit. C'est-à-dire de n'importe quoi. 

11
MAR 20

Un maître cylindre

Ça faisait un moment que j'avais beaucoup de mal à passer les vitesses dans la Simca. De plus en plus. La seconde ça allait encore, mais impossible pour la marche arrière. Et chaque fois que je l'emmène avec moi dans cette voiture-là, Eva me dit que ma manière de la conduire, c'est un peu comme avec elle. C'est curieux ce lien qu'elle fait, mais c'est vrai qu'il faut pas mal de tact.
Ça, c'est quand tout marche bien, mais là ça craquait. C'était stressant, je craignais de casser un engrenage à vouloir passer en force. Ça doit être un problème d'embrayage, je me suis dit, et je pourrais peut-être le régler. Pas forcément pour faire mon malin dans mon coin, mais pour aller jusqu'à Véron chez le garagiste qui la connaît bien.

J'ai imaginé que c'était un câble qui se détendait alors que, plus tard, je découvrirai que non, pas du tout, que c'était tout un « circuit hydrologique » avec un bocal d'huile et des maîtres cylindre. 

09
FéV 20

Les gens ne sont pas ce qu'ils donnent à voir

Je ne sais pas pour vous mais moi, l'autre soir, on regardait un thriller avec Eva et avec plein de suspens. Un polar français vraiment bien fait, mais je sentais bien aussi que j'avais le ventre qui se nouait, et plein de sueurs froides. Littéralement. Et c'est au moment le plus insoutenable que la Wi-Fi a soudain sauté. On a attendu un peu. Le film c'est La proie, une longue traque avec Albert Dupontel, Alice Taglioni et Sergi López, l'acteur qui jouait Un ami qui vous veut du bien. J'ai essayé de redémarrer la box mais plus rien. Il restait quinze minutes de film.

04
DéC 19

Sans contact

En ce moment, je ne sais pas trop pourquoi, tous les trucs « sans contact » ça m'intrigue beaucoup. C'est à la fois les dispositifs pour faire ça mais aussi ce nom-là. Sans contact !

L'autre soir par exemple, juste devant moi, il y avait une femme à la caisse chez Nicolas. Et elle a sorti son mobile pour payer sa bouteille de vin. D'ailleurs c'était peut-être du champagne, j'ai pas bien vu. Moi, j'avais choisi un demi Château Haut-Rian. Et donc, quand la femme est partie, je n'ai pas pu m'empêcher de demander à Nicolas – enfin au marchand de vin – comment elle pouvait faire un truc pareil. Oui, avec le terminal de paiement et son mobile par dessus. Il y avait même pas de ticket, je crois, tellement c'est allé vite. 

24
JUI 19

L'origine de la violence

J'étais en train de me laver les cheveux dans la cave avec un shampoing comme de la terre glaise. C'était poisseux, ça collait et je me mettais en colère.
Et c'est souvent comme ça le mardi matin, je fais un rêve qui me réveille et qui est une énigme toute la journée. Comme si je préparais la séance du soir sur le divan. Au tout début ça m'agaçait, j'imaginais que ma psy m'avait installé un programme qui me forçait à lui ramener des rêves. Alors j'essayais de ne pas rêver ou d'oublier mes rêves mais ça ne marchait pas. Et quand je m'allongeais je disais « aujourd'hui, j'ai un rêve » et puis j'attendais plus ou moins la fin de la séance pour le raconter. Ce n'était pas forcément pour créer du suspens mais parce que j'avais plein de turpitudes à ressasser. Un jour ma psy m'a demandé : « Pourquoi vous faites ça ? ». J'ai fini par voir que c'était une forme de marchandage et une histoire d'enfance : la peur d'être sous influence et dressé comme à neuf mois pour « être propre ». Avec ici, de la matière fraîche en direct de l'inconscient.