Les émissions en podcast pour moi, c'est tout un monde. Oui, ça me vient de l'adolescence – et sans doute de bien avant – même si à l'époque c'était pas du tout en réécoute à l'infini et sans vraiment de casque audio. J'avais bricolé un autoradio pour l'installer tout à côté de mon polochon, en stéréo quand même, et alors j'aimais beaucoup écouter Allô Macha, des dialogues intimistes et nocturnes avec quelques auditeurs choisis. Des gens « sans-sommeil » qui, de minuit à 2 h du mat', tentaient de confier à Macha Béranger un peu de leur mal de vivre et de leurs joies.
Il y avait aussi un aristo romantique, Gonzague Saint Bris, avec Ligne ouverte. Entre scandales et confidences, au cœur de la nuit, avec des cambrioleurs en direct, des fouilleurs de poubelles, des maniaques du nœud papillon, etc.
C'était à la Cegos, la décennie juste avant de changer de siècle, et c'était tout un monde. Ou plutôt deux mondes : le conseil et la formation, l'inter et l'intra-entreprise, le management et l'organisation, les compétences dures ou « molles » (sic)... Oui, ces mondes-là étaient séparés en « divisions », Jean-Louis Muller d'un côté et moi de l'autre mais ça n'empêchait pas de nous côtoyer. De proche en proche. Surtout quand on s'est retrouvés chez un médecin et thérapeute familial, enfin pas forcément pour nos histoires d'enfance – même si ça explique pas mal de choses dans la vie –, mais pour nous initier à l'analyse systémique. Après ça, Jean-Louis a écrit un bouquin vraiment bien avec François Balta, le psychiatre et thérapeute systémique (*). Et moi, un article dans Générations, la revue de la Société Française de Thérapie Familiale.
Bref, aujourd'hui on est voisins, à la campagne et à la ville. Alors quand Jean-Louis nous a invité Eva et moi, à préfacer son nouvel ouvrage, j'ai pris mon bloc-notes, Eva son iPad, et on a écrit chacun dans notre monde, plus ou moins. Sauf que Jean-Louis imaginait quelque chose de plus « entrelacé ». Et alors on a aimé faire ça, bricoler ensemble nos différentes formes d'intelligence
Ça s'appelle « Nos sept formes d'intelligence » et ça vient de paraître chez Jouvence – ce nom-là me fait penser à l'enfance aussi – et c'est avec plein de tests, d'exemples et de conseils pratiques.
S'il y a bien une chose qui est au centre de mon monde – oui, de mon histoire, de mon métier – c'est toujours la question des limites. Pourquoi les franchir ? Comment les transgresser, un peu, beaucoup, pas du tout ?
Ça vient de loin tout ça et j'en avais fait aussi une marque de fabrique pour la supervision des coachs : Désirs et tabous en peuple coach. Le tendre et le sensuel. Le coach entre toute-puissance et vulnérabilité... Et donc, quand Laurette COT m'a invité à partager sur ces questions-là, je n'ai pas trop hésité. Parce qu'elle accompagne « le long de la crête » – c'est sa marque à elle – et moi ça m'évoque un travail aux frontières ou dans l'entre-deux, une « zone franche », dit-elle. Du changement, de la transformation.
Qu'est-ce que c'est bien ! Oui, c'est vraiment un bonheur le nouveau roman de Julia Deck : « Propriété privée ». Je voulais écrire une note de blog parce que si vous passez par là ce serait vraiment dommage de passer à côté. C'est une perle noire. Mais le temps passe et j'ai d'autres chats à fouetter comme on dit. D'ailleurs ça commence avec un chat, un gros rouquin, et avec le risque que ça finisse très mal pour lui.
Alors juste quelques lignes, ici, des extraits et puis une vidéo.
Pour commencer les vacances, j'avais très envie d'un polar. Oui, parce que mon métier c'est un peu comme dans les romans policiers. Il y a toujours du sexe, du sang, du désir, de la censure et une intrigue bien tordue avec tout ça. Et donc, un patient travail d'enquête. Mais une enquête à deux.
Alors j'ai musardé du côté des Éditions de Minuit parce que c'est là que j'aime me fournir. C'est ici par exemple que j'avais découvert Julia Deck et son premier roman, Viviane Élisabeth Fauville, une femme qui avait peut-être tué son psy. Et puis aussi Tanguy Viel, avec Article 353 du code pénal ; un long travail d'enquête aussi, une enquête sur soi, en présence d'un autre plus ou moins silencieux. Comme sur le divan.
Je descendais la rue Fontaine et il y avait une femme sur le trottoir avec une grosse paire de ciseaux. Là, j'aurais dû avoir peur. Surtout dans ce coin-là de la rue qui est plutôt louche avec des vendeurs de shit sous les porches. Mais non, au contraire. Parce que cette femme-là essayait de se cacher. Alors j'ai ralenti le pas et je l'ai regardée par en-dessous. C'est là que j'ai vu qu'elle avait aussi un gros rouleau de scotch dans l'autre main. Du scotch noir. Elle était juste devant une SMART. De couleur noir aussi. Et soudain elle s'est baissée.
L'année dernière le roman d'Amélie, Frappe-toi le cœur, parlait du mal de mère, enfin de l'une des formes particulières de ce mal : la jalousie. La jalousie entre mère et fille, et puis au fil du temps, au fil de la vie, la jalousie entre femmes, sœurs, amies, profs…
Et moi, je me demandais où étaient les hommes dans tout ça ? En particulier le père parce qu'il apporte du tiers, de l'étranger, du jeu dans le duo mère-enfant. Mais, là, les hommes semblaient rayés de la carte. Ou bien ils comptaient les points et regardaient le plafond. Tout à côté des mères. Et donc, cette année, c'est un peu sur ce fil-là le nouveau millésime d'Amélie : Les prénoms épicènes.
Oui, c'est sur la haine des hommes. Dans un sens et dans l'autre, la haine entre père et fille, et entre hommes et femmes derrière la romance. Et c'est comme un thriller psychologique toujours.
Sur Instagram elle s'appelle « bohaime » et comme Ava, l'héroïne de Casse-Gueule, c'est une très jolie jeune femme. Un peu comme une princesse russe. Mais sans chichis.
Enfin, Ava était très jolie juste avant de se faire casser la gueule. C'était à l'heure bleue par un inconnu avec un poing américain et dans la cour pavée d'un immeuble parisien, là où elle fait du Yoga. Mais c'est alors comme une libération pour elle. Et elle ne va pas en rester là.
Je venais de poser la misère et le yuca à l'ombre, tout au fond de la cour pavée, avec aussi le bonsaï et toutes les plantes de l'atelier pour traverser l'été. Et c'est là que soudain j'ai commencé à m'affoler. Oui, j'avais terminé "À l'aube", le dernier Djian – une sombre histoire de perversité ordinaire –, et donc je n'avais plus de roman pour le début des vacances. J'aurai pu me raisonner, m'autopsyer pour voir ce que cachait cette urgence-là ou simplement attendre d'arriver là-bas au bord de la mer – en plus, je sais bien que sur place il y a l'Ancre de Miséricorde – mais non, c'est comme une drogue dure ce truc. Alors j'ai foncé vers la grande librairie à quelques pas de l'atelier – sur deux étages quand même – et, sur le chemin, je me suis dit je vais prendre un roman d'Amélie Nothomb. Une valeur sûre comme ça.
"Une forme de vie". C'est ce roman-là que j'ai choisi. « Ces mots évoquent en principe l'existence élémentaire des amibes et des protozoaires. Pour la plupart des gens, il n'y a là qu’un grouillement un peu dégoûtant. » Mais, là, c'est autre chose : Melvin Mapple, un soldat américain posté en Irak, devient obèse, il écrit à Amélie qui répond à presque toutes les lettres parce qu'elle est épistolière depuis l'enfance. Et parce qu'elle aussi a eu un rapport très spécial à la nourriture. Et c'est ça qui m'a accroché, cette question du rapport à la nourriture, boulimique ou anorexique, ça cache autre chose toujours. Bref. Une correspondance s'engage. Et l'échange de lettres fonctionne comme une scissiparité : l'un envoie une infime particule d’existence, la lecture de l'autre la double, la réponse la multiplie, et ainsi de suite. Une forme de vie donc. Avec cette question de l'obésité.
« … Ce que nous nommons besoin dans la sphère entrepreneuriale se mue en désir sous la plume des auteurs. Désir à la fois inassouvissable et moteur de vie : sans désir pas de vie, et avec le désir de la souffrance. » C'est Jean-Louis Muller qui écrit ces lignes-là à propos de l'ouvrage que j'ai écrit avec Eva : "Érotiser l'entreprise".
C'est à la Cegos que j'ai rencontré Jean-Louis. Consultant en management, il animait les stages "millionnaire" (c'est-à-dire avec toujours, depuis les origines, plein de stagiaires). Mais c'est surtout dans un groupe animé par François Balta, médecin psychiatre et thérapeute familial, que je l'ai côtoyé de près. Ce n'était pas du tout millionnaire ce groupe-là, plutôt discret et intimiste. Et c'était de la supervision, donc pas du tout psychiatrique ni thérapeutique a priori, mais chaque consultant percevait au fil des séances combien son histoire personnelle, ses pulsions et tout ce qu'il voulait tenir à distance, s'emberlificotait au fond avec sa pratique et ses fantasmes professionnels (ses désirs de puissance, de maîtrise, de savoir…). Je me dis aujourd'hui que c'était un peu comme la « thérapie institutionnelle », avec Jean Oury. Oui, quand les soignants savent bien qu'ils sont tout aussi « dérangés » au fond que ceux qu'ils veulent soigner. Et c'est à partir de là que j'ai eu envie d'aller voir ailleurs, enfin plus du côté de chez moi.
J'ai aussi aimé continuer de voir Jean-Louis parce qu'on est devenu voisins, à la campagne, avec Eva. Et il a aimé lire notre livre paru au printemps et puis écrire à son tour quelques lignes.
« … chaque personne que je croise dans la rue, dans le métro, au pied de mon immeuble, est devenue, depuis quelques semaines, un ennemi. Quelque chose à l'intérieur de moi, ce mélange de peur et de colère qui s'était endormi pendant des années – sous l'effet d'une anesthésie aux apparences de douce somnolence, dont je contrôlais moi-même les doses, délivrées à intervalle régulier –, quelque chose en moi s'est éveillé.
Je n'ai jamais éprouvé cette sensation sous une forme aussi brutale, aussi invasive, et cette rage que j'ai peine à contenir m'empêche de dormir. »
C'est un extrait du nouvel opus de Delphine de Vigan : Les loyautés. Et c'est écrit avec la même encre que Rien ne s'oppose à la nuit. Oui, une encre noire, l'encre des histoires qui se trament dans les coulisses des familles plus ou moins parfaites.
Un livre sur les emprises silencieuses qui se tissent au fil des années d'enfance, sur ces liens invisibles qui nous attachent et nous façonnent, qui nous portent ou nous accrochent. Et sur les arcanes de l'adolescence comme la recherche d'une issue face à tout ça, peut-être.
C'est un beau roman. Outrenoir.
Ce titre-là, « Les dessous du coaching », c'est le titre que j'ai choisi pour apporter une touche personnelle à l'ouvrage écrit cet été avec Eva : « Érotiser l'entreprise - Pour des rapports professionnels sans complexes ». Une trentaine de pages, plutôt intimes et au beau milieu du livre, parce que j'aime bien regarder les choses par en-dessous. C'est une déformation de l'enfance. Oui, les gens parlent de "déformation professionnelle" quand ils font des manières, mais ça vient d'avant toutes nos manières de voir et de faire.
Trente pages donc, sur ce qui se trame sur la scène de l'inconscient et dans l'entreprise. Entre pulsions, fantasmes et névroses. Et pour éclairer un peu tout ça, j'ai aimé relier les points entre coté fauteuil et coté divan : les séances quand j'accompagne et puis mon travail en psychanalyse. Jeux de transfert et de contre-transfert. Avec aussi des balades à la campagne quand je fais des détours en Simca. Les ricochets du passé vers aujourd'hui.
Extraits.
« Changer ma vie, vendre ma maison, éduquer mes enfants, améliorer mon look, perdre des kilos, m’apprendre à travailler en équipe… Les coachs seraient en passe de remplacer les psys pour nous aider à affronter différentes situations. Mais que font-ils au juste ? »
C'est un article de Isabelle Taubes pour Psychologies Magazine, le numéro de février. Que font les coachs au juste, mais aussi vont-ils voir un psy ou bien, sinon, sont-ils supervisés ? C'est sur ces points-là et sur le coaching d'entreprise que la journaliste nous a interviewé, Eva et moi. Retour aux sources et enquête dans les coulisses du "peuple coach".
Extraits...Et puis tout l'article avec aussi une interview de Norbert Marcia, sur sa pratique de coach.