« Changer ma vie, vendre ma maison, éduquer mes enfants, améliorer mon look, perdre des kilos, m’apprendre à travailler en équipe… Les coachs seraient en passe de remplacer les psys pour nous aider à affronter différentes situations. Mais que font-ils au juste ? »
C'est un article de Isabelle Taubes pour Psychologies Magazine, le numéro de février. Que font les coachs au juste, mais aussi vont-ils voir un psy ou bien, sinon, sont-ils supervisés ? C'est sur ces points-là et sur le coaching d'entreprise que la journaliste nous a interviewé, Eva et moi. Retour aux sources et enquête dans les coulisses du "peuple coach".
Extraits...Et puis tout l'article avec aussi une interview de Norbert Marcia, sur sa pratique de coach.
GÉRER LES PULSIONS
Le coaching est une approche de « l’ici et maintenant », qui ne prétend pas explorer notre complexe d’Œdipe ni nos relations précoces avec nos parents et encore moins nos pulsions archaïques. Pourtant, quand il s’agit de coaching en entreprise, papa, maman et la violence fondamentale qui git au cœur du psychisme humain ne sont jamais très loin. Et les coachs ne sont pas toujours avertis de cette réalité.
Mathilde, 47 ans, cadre dans une entreprise de la région lyonnaise, peut en témoigner : « Tout le service s’est retrouvé durant une journée dans une salle où nous avons été initiés à la Communication Non Violente, car il y avait de nombreux conflits entre nous. Notamment avec un collègue qui estimait que dialoguer était une perte de temps et que seule la productivité comptait. Je me suis sentie vraiment mal à l’aise, avec la sensation d’être infantilisée. Et à la fin de la journée, je n’avais plus envie de discuter mais de frapper. »
Comment interpréter un tel échec ? André de Châteauvieux, enseignant en coaching à l’université de Paris II et superviseur, ne s’en étonne pas : « Le premier groupe connu par chacun est la famille, et l’entreprise est le lieu privilégié pour rejouer les conflits familiaux non-résolus. Aussi la violence, qui y règne parfois, doit être entendue, et non refoulée ou stigmatisée comme le font certaines techniques. Coacher, c’est aussi se confronter aux pulsions des individus, à leur inconscient. Mais beaucoup de professionnels de l’accompagnement n’ont pas suffisamment exploré leur propre psychisme pour y faire face. » En conséquence, « ils peuvent facilement, à leur insu, enfermer les autres dans des pièges mentaux dont eux-mêmes sont captifs et se montrer infantilisants, voire maltraitants », constate Eva Matesanz, psychanalyste, coach de dirigeants et auteure, avec André de Chateauvieux, d'Erotiser l’entreprise, (L'Harmattan).
Selon les deux professionnels, ces attitudes s’expliquent par l’histoire même du coaching : « Les premiers coachs se comportaient souvent en gourous, se plaçaient en position de père tout-puissant. »
UNE FORMATION À PARFAIRE
Les « bons coachs » se plient à une supervision de leur travail par des pairs plus expérimentés, qu’en cas de nécessité ils envoient leurs clients trop englués dans leurs problèmes vers des interlocuteurs plus adaptés. Il n’est d'ailleurs pas exceptionnel de rencontrer des professionnels à la fois coachs et psychanalystes. Pourtant, dans ce vaste univers du coaching qui est, rappelons-le, une profession non réglementée - contrairement à celle de psychothérapeute -, un grand flou demeure concernant la formation des futurs professionnels. En premier lieu, elle offre peu d’heures d’enseignement de la psychopathologie (l’étude des névroses et des personnalités difficiles). Ensuite, « trop d’étudiants interrompent la supervision dès qu’elle cesse d’être obligatoire et sont incapables de réfléchir aux raisons pour lesquelles ils ont choisi ce métier », déplore Eva Matesanz. A l’heure où, selon la Société française de coaching (la plus importante avec l’Association européenne de coaching et l’International Coach Federation, ICF France), ce marché est pratiquement saturé, il serait urgent que les lieux qui préparent à cette profession prennent conscience qu’être un bon coach est affaire de savoir théorique mais également de maturation et de lucidité personnelle.
Isabelle Taubes - Psychologies Magazine - Février 2018