Qu'est-ce que c'est bien ! Oui, c'est vraiment un bonheur le nouveau roman de Julia Deck : « Propriété privée ». Je voulais écrire une note de blog parce que si vous passez par là ce serait vraiment dommage de passer à côté. C'est une perle noire. Mais le temps passe et j'ai d'autres chats à fouetter comme on dit. D'ailleurs ça commence avec un chat, un gros rouquin, et avec le risque que ça finisse très mal pour lui.
Alors juste quelques lignes, ici, des extraits et puis une vidéo.
Julia Deck c'est l'auteure de « Viviane Élisabeth Fauville », son premier roman avec l'histoire d'une femme qui semblait un peu déréglée et qui avait peut-être tué son psy. A coups de couteau de cuisine. C'était il y a sept ans et c'est pour ça que j'ai craqué. Et dans Propriété privée, c'est un peu pareil ; Eva, l'héroïne, est aussi un peu ébréchée, ses motivations semblent troubles. Mais ce n'est pas elle qui consulte ici, c'est Charles, son mari. Ces deux-là, soucieux de leur empreinte carbone, quittent Paris pour une maison chic dans un écoquartier. Panneaux solaires, recyclage des ordures par des bornes de surface, bac de compostage entre voisins tout au bout de l'impasse. Un paradis moderne acheté sur plans. Un rêve quoi. Sauf que, une semaine après l'installation, les Lecoq emménagent juste de l'autre côté du mur.
L'auteure invente ici une forme de « roman de voisinage », un cocktail détonnant qui mêle comédie acide, policier et roman d'espionnage. Détonnant et aussi flippant, parce que ça risque à chaque instant de tourner au jeu de massacre. Et pas seulement pour le gros rouquin…
Extraits
« … Dans le noir, je me suis vue verser le poison, le mélanger aux boulettes de bœuf. Déposer la gamelle devant la porte du jardin. Attendre l’heure du gros rouquin. J’ai senti sa fourrure contre mes bras nus lorsque je le soulèverais après qu’il aurait mangé. Je me suis vue le descendre à la cave afin qu’il y agonise discrètement, puis faire ce que tu avais prévu avec son cadavre. Parce qu’il ne s’agissait pas seulement de tuer le chat. Il s’agissait de signer notre triomphe, notre accession à la propriété privée. »
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« Annabelle portait son fils sur la hanche et toujours son air surnois. Elle a demandé si tout allait bien. Elle souhaitait que nous fassions moins de bruit afin d'endormir le petit, par les fenêtres ouvertes tout s'entendait. J'ai regardé l'enfant silencieux, ses yeux plombés de sommeil. Elle continuait de m'observer en souriant. Car Annabelle ne souhaitait pas réellement que nous fassions moins de bruit. Elle souhaitait rassasier je ne sais quoi, une pulsion, un instinct qui depuis la première seconde a voulu faire couler le sang. Aussi est-il faut de prétendre – parfaitement injuste de nous montrer du doigt. »
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Le colin décongelait placidement dans mon sac à provisions. Moi, j’avais froid.
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En vidéo : Rencontre avec Julia Deck.
Julia Deck – Propriété privée – Editions de Minuit – Septembre 2019