Écrire un texto est parfois aussi poétique que poser quelques lignes sur les pages d'un Moleskine.
Fragments intimes de sms…
Elle parle soudain des moments où elle aime peindre. Ces instants où le besoin irrépressible de créer la prend. « C'est comme une pulsion, dit-elle. Une pulsion animale, un élan qui vient de loin. » Elle s'arrête, m'observe un instant. A-t-elle deviné ma surprise et mon trouble ? Elle nomme ici ce que je vis parfois quand j'écris, quand je laisse ma main vagabonder sur le coin d'une feuille.
Aujourd'hui, la femme aux yeux de chat me parle tout à la fois de sa lassitude et de son désir. Elle se fatigue elle-même de « vouloir toujours maîtriser les autres, de chercher à dominer les hommes ». Elle a envie d'expérimenter l'opposé. De faire l'expérience de tout le contraire, ne serait-ce qu'une fois, ici, avec moi. Avec moi qui, dit-elle, aime « jouer et danser avec les contraires ! ».
« Ça, c'est l'une des formes du transfert » tente-t-il d'expliquer. Long silence. Alors il croit bon d'ajouter : « Et vous me payez pour gérer ça : pour ne pas tomber amoureux de vous ! » Elle se met en colère. Il essaie autre chose : « C'est peut-être de votre désir dont vous avez peur ? » Il entend ses sanglots. Alors, plutôt que continuer là maintenant, avec lui, il l'invite à chercher de quelle part d'elle-même elle est tombée amoureuse. Et de choisir de revenir ou pas.
*
Le signal retentit, elle lève soudain la tête de son livre. Elle semble revenir d'un songe lointain. Et d'un bond d'un seul, élégante, comme une biche, elle se glisse entre les portes qui déjà se ferment.
A cette amie qui aime écouter le chant des étoiles, je demande : « Que diras-tu quand l'ange qui, depuis ton premier souffle, le jour comme la nuit, aime veiller sur ton âme, quand ton ange gardien prendra avec toi congé de la vie ? » Elle me regarde, ferme un instant les étoiles de ses yeux puis me souffle : « Ouf ! »
Elle choisi la tarte aux fruits de saison et demande un café. Elle me dit : « J'aurais aimé être ton éditrice ! » Troublé, comme chaque fois qu'elle parle d'écriture, je détourne un instant le regard, contemple le visage de la jeune femme qui note sa commande, la chair douce et ronde de ses joues. Puis elle me raconte comment, dans sa vie d'avant, elle découvrait des auteurs, éditait des livres pour enfants. Je crois comprendre ce qui me trouble. Écrire c'est peut-être rejoindre la part d'enfance que je croyais oubliée à jamais. L'accès à la mémoire ancienne est fermé mais la musique de l'âme est toujours présente. Là, sous les doigts, entre les mots à l'encre bleue. Et c'est peut-être ça qui la touche aussi. Sa part d'enfance à elle.
Sur le trottoir d'en face, au pied du sapin, des baies rouges, joufflues. Tombées pendant la nuit, d'un coup de pluie, d'un coup de vent. Prendre le temps d'un détour pour marcher sur ce tapis pulpeux, sonore et éphémère.
*
En séance, une résonance secrète, une émotion innatendue surgissent. Il croit pouvoir les retenir. Comme s'il avait peur des policiers du coaching ! Elle, devant lui, devine quelque chose d'inconnu, d'important pour elle. Alors elle l'invite à jouer aux gendarmes et aux voleurs.
J'aime arriver en avance à chaque séance. Mon amie avocate me loue un bureau libre de son cabinet. Je sonne. C'est sans doute Aurore, son assistante, qui va ouvrir.
vous préférez sonner plutôt que prendre les clés. Deux notes métalliques et légères. Comme un point d'exclamation dans le silence. Je viens vous ouvrir. Echange de sourires. « Votre cliente est là » dis-je. Un nuage passe dans vos yeux. Vous ne pourrez pas contempler le ciel aujourd'hui. Debout contre la fenêtre ouverte, toujours en silence, comme un rituel.
« Elle arrive en retard d'habitude » dites-vous en poussant la porte derrière vous. Et là maintenant, dans le couloir, vous semblez hésiter. Votre sourire revient, avec un merci sur les lèvres, quand je dis : « J'ai préparé un plateau et mis de l'eau à chauffer pour vous deux. »