Ils sont presque tous là à présent. Les tables sont rangées derrière eux, face contre face, pieds au ciel. Les chaises dessinent un croissant de lune. Et, ce soir, j'ai envie de les guider pendant quelques pas sur le chemin de soi.
Les yeux fermés
Alors, assis avec eux, dans le cercle, j'invite chacun à fermer les yeux un instant : « Un instant ou plus, si affinités avec soi-même. Fermer les yeux puis sentir l'élan et le mouvement de la vie en soi. Sentir son souffle. L'inspire où je reçois, j'accueille ; puis l'expire où je lâche, j'abandonne. J'accueille et j'abandonne… Inutile de contrôler. C'est là, c'est donné. »
Le silence aussi est là, maintenant. Et je ferme les yeux.
Le singulier et l'opposé, au fond de soi
Quelques silences plus tard, je questionne : « Qu'est-ce que je sais de moi qui m'est singulier ? Comment, d'un mot, nommer ce trait en moi ? Je garde cela pour moi, pour l'instant. »
Et j'aime maintenant les emmener à l'opposé : « Comment je nomme la polarité aux antipodes ? En quoi ce trait contraire est aussi une partie de moi ? »
Je questionne encore une fois : « Qu'est-ce que je sais d'autre de moi ? Comment je nomme cette autre singularité ? Et aux antipodes ? »
Et puis une dernière fois : le singulier et l'opposé en moi ?
Alors, pour préparer le pas suivant, je demande à chacun de choisir : « Parmi ces couples d'opposés, quel est celui qui me touche le plus et que j'ai envie d'explorer ce soir ? Et je garde encore un instant le silence. »
Se choisir ou se laisser choisir
Je les invite maintenant à se lever et se mettre en mouvement, au cœur du cercle, au milieu des autres : « Je marche, toujours à l'écoute de moi-même, à mon rythme. Puis, par le regard, je prends le temps de rencontrer l'autre, les autres. Quelles sensations me viennent ? Avec qui ai-je envie de poursuivre mon chemin ce soir ? Je choisi cet autre selon mon envie. Ou bien je me laisse choisir par l'autre. »
Frémissements et sourires, murmures et touchers, les duos se forment.
Voyager d'un pôle à l'autre
« Qui a envie de commencer le voyage, avec moi, juste un instant ? » L'un d'eux s'approche. Il a choisi pour traits singuliers l'amour et l'agressivité. Je montre alors comment j'aime cheminer dans la planète de l'autre, à ses côtés, d'une polarité vers l'autre. Avec, pour seule carte du monde, l'espace présent et l'entre-nous. Et pour boussole, à chaque pôle, une question pour la tête, le cœur et le corps : « Quelles images me viennent ? Quelle émotion au fond de moi ? Quelles sensations ? » Et parfois, sur la pointe des pieds, j'aime aller de l'autre côté d'un pôle, là où les extrêmes se touchent.
Puis je les ai laissé choisir le lieu complice, dans cette salle ou ailleurs, faire le voyage en duo, guider et être guidé, d'un pôle singulier à l'autre.
Un peu plus tard, de ce voyage intime entre le tendre et le sauvage, le doux et le sombre en soi, beaucoup sont revenus troublés ou curieux, émus ou prudents. Un drame s'est noué, dans un duo, autour de résonances douloureuses.
Et j'ai pris soin de faire encore quelques pas avec eux : « Et si, ni l'une ni l'autre polarité, ni ce trait singulier de moi ni son opposé, n'avaient jamais existé ? Ce serait où ici ? Ce serait comment alors ? Pour l'âme, pour le cœur et dans la chair ? »
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