Vous voudriez que je découvre et que je nomme ce qui n'est pas banal en vous, ce que je perçois d'unique et singulier en vous. Ce serait peut-être alors une ressource précieuse sur la scène professionnelle, là-bas où ils semblent tous pareils, dans les conflits ou la torpeur.
Et ici vous attendez, vous restez en retrait, blottie tout au fond du fauteuil en cuir.
Ici comme là-bas peut-être ?
Et moi je vois bien et je vous dis que je me démène pour susciter le début d'un élan, pour vous découvrir autrement, là, dans l'entre-nous. Mais rien n'y fait, vous attendez que je vous devine.
Et puis, démuni, quand je questionne un peu votre histoire d'autrefois - je sais bien que vous n'aimez pas ça - vous ne voulez pas, vous ne vous souvenez pas.
Alors là, soudain et tout à trac, je m'entends vous dire : « Il n'y a peut-être au fond que le banal ?! »
D'un coup, votre visage se crispe. Et maintenant vous boudez. Plus fermée encore que l'instant d'avant. Et pourtant quelque chose semble changer. Une vibration intime, un élan tendre. De moi vers vous. Non parce que je vous ai vexée mais parce que j'aime percevoir un peu de l'enfance en vous. Le regard d'une enfant qui peut-être a besoin d'être regardée, découverte, ni pour le singulier ni pour le banal, mais simplement regardée.
Et quand je vous dis ça, vos yeux aussi se brouillent.
***
Photo : Une création éphèmère de Nils-Udo.