- Cette manière que vous avez d'être là, comme ça, avec nous, il me dit.
Il m'observe. Je me demande ce qu'il me veut, ce qu'il veut dire. Lui, c'est le boss. Et on est trois, là, autour de la petite table ronde, dans son bureau. À côté de lui, il y a elle. Elle que j'ai accompagnée. Elle qui voudrait lui piquer sa place, bientôt. Elle lui a dit ça dès le début du coaching, comme ça, sans se démonter. Enfin, c'était pas vraiment le début parce qu'elle avait pas envie de cette rencontre à trois. Alors ça s'est programmé, annulé, ça a traîné. J'ai laissé faire. Et puis ça s'est fait.
- Quand je vous ai vu comme ça la première fois, ça m'a intrigué, il reprend. Ça se fait pas ça, dans nos réunions ! Sinon on a l'impression de servir à rien.
Là, aujourd'hui, c'est pour clore le coaching. Moi, je dis pas grand chose. J'aime les laisser papoter entre eux. On dirait qu'ils se parlent rarement comme ça. Sans faux-semblants. Avant, j'en faisais des tonnes dans ces réunions-là. Genre médiateur. Et ça durait des plombes. Pour pas grand chose au fond.
- Et maintenant, moi aussi j'essaie de faire comme ça, dit-il en continuant de tirer son fil, surtout au début des réunions.
Je le regarde. Je dis rien. Je me demande où il veut en venir. Je me dis que les réunions tripartites ça s'apprend pas sur les bancs des écoles du coaching. Un homme, une femme, autour d'une table ronde, qui s'évitent ou babillent, qui se bagarrent ou partagent, ça peut ramener le coach direct en enfance. Parce que l'inconscient ne connaît pas le temps, au fond. Et alors ça peut faire des amalgames, genre passage à l'acte.
- Et c'est fou l'effet que ça fait alors ! dit-il.
- … ?!
- Oui, c'est vraiment plus créatif le silence au fond, il ajoute.
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En photo : Le club Silencio, dans le film Mulholland Drive de David Lynch.