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FéV 15

Dis, pourquoi les coachs ne font pas payer la première séance ?

C'est vrai que les psys ne se posent pas la question : le premier rendez-vous est une séance ; c'est donc payant et ça permet d'installer l'accompagnement.

Mais le peuple coach semble se couper de ces sources-là. Et chaque année, à la sortie des écoles, les coachs se lancent sans travail sur soi en profondeur, et ils perpétuent des us et coutumes où chacun répète son histoire préférée. En pleine inconscience alors.

L'enjeu n'est pas la centaine d'euros de ce premier rendez-vous ; il est de prendre du recul sur des rituels institués, des gestes clés du métier et de questionner sa pratique dans un moment essentiel qui mobilise et condense des ressorts intimes chez le coach et le client.

Casting. C'est ainsi que le premier rendez-vous est souvent nommé. Ça évoque le monde du spectacle mais, ici, le coach investit la rencontre comme une compétition dirigée contre les autres : contre les concurrents qui sont, mine de rien, invités en séance parce que l'enjeu est d'être le meilleur, d'être choisi. Certains élucubrent sur leurs chances de gagner selon leur position dans la tournée du client. Et c'est très excitant au fond parce que ça répète peut-être des jeux relationnels familiers : être le préféré (de papa ou de maman) ; la tension et la jalousie dans la fratrie...

Shopping. Certains parlent de "body shopping" ou de "concours de beauté". Ici le coach se met en scène comme un produit à consommer ; du surgelé plutôt car là encore c'est une histoire réchauffée qui resurgit soudain au présent : le désir d'être désiré ou d'être l'objet de l'autre, le "bon objet" alors, mais avec la crainte au fond que ça se retourne plus tard...

Séance préliminaire ou rencontre préalable. Ça évoque la rencontre amoureuse, inconsciemment. Jeux de séduction et danse du ventre, ça convoque, mine de rien toujours, les jeux de transfert : érotisation de la relation, transgression... Parce que le transfert du coach (son contre-transfert) précède toujours le transfert du client.

Il y a des variantes : par exemple la séance "zéro" où le coach propose un échantillon de sa pratique ; mais, c'est comme si c'était une séance pour rien. Une séance de rien... Certains proposent de faire payer au-delà de 30 minutes.

En entreprise, c'est le DRH qui organise chaque casting avec deux ou trois coachs référencés. Et sinon le coach est "commis d'office" : choisi par le responsable du coaching avec la possibilité, "si vraiment ça colle pas", de voir un autre coach.

"Casting", "shopping" ou "préliminaires", c'est le coach qui nomme ainsi ses premiers rendez-vous et qui, ce faisant, induit et répète son jeu préféré.
Ces différents jeux - compétition, séduction... - s'entremêlent bien sûr ; et ils sont souvent complémentaires des jeux du client. Mais pour le client c'est une autre histoire au fond ; une histoire singulière qu'il est difficile d'écouter parce que tout ça fait un bruit de fond ou se mélange.

Mais il y a des clients qui ne veulent pas partir sans payer ! "Combien vous dois-je ?" demandent-ils à la fin de la rencontre.
Comme s'ils avaient perçu les enjeux d'un travail qui, dès le premier instant, les met au travail et ne peut pas être gratuit.

"La relation entre adultes doit être égalitaire pour être satisfaisante car lorsque cette réciprocité n’est pas respectée – que ce soit entre personnes ou entre groupes – elle mène forcément à la domination de l’un sur l’autre. Ou, pire encore, elle aboutit à l’asservissement de l’un par l’autre." Gabrielle Rubin, L'argent du psychanalyste.

Pour aller plus loin : l'Ecole nouvelle de l'Accompagnement, un chemin buissonnier après l'école, sous le signe du compagnonnage pour confronter, partager et transmettre les gestes essentiels du métier d'accompagner.