C'est un appel d'offres pour du coaching, avec tous les ingrédients du coaching alors : objectifs, parcours intensifs, tests de personnalité, outillages et protocoles, etc. Et moi, je ne peux plus accompagner avec ces ingrédients-là, y compris dans cette entreprise où j'aime accompagner depuis longtemps déjà, dans les situations de crise et par-delà.
C'est le divan qui a cet effet-là sur moi. Et tout le travail de fond avec Eva et quelques autres coachs aussi, - de plus en plus nombreux -, qui aiment nous rejoindre pour accompagner plus au naturel.
Alors, j'ai pris le temps de lire et relire cet appel d'offres, en long en large. J'ai pris le temps de ruminer au jardin, et de m'interroger sur mes "résistances au changement" peut-être ? Ou bien sur un auto-sabotage, mine de rien ? Et sur le risque de tirer le diable par la queue à force d'aller encore hors des sentiers battus ? Et finalement j'ai aimé prendre le temps de non répondre.
Parce que j'aime croire qu'au fil du temps, il y aura de plus en plus de réponses comme ça. Beaucoup plus d'accompagnements au naturel.
« Bonjour,
[… ] Comme convenu je me suis procuré l'appel d'offres pour le coaching individuel et les groupes de co-développement au sein de l'Office.
J'ai aimé prendre soin de le découvrir, de le lire et le relire, faire aussi le lien avec les accompagnements que vous m'avez confiés depuis sept années déjà, pour pouvoir élaborer ma réponse.
Et je n'ai pas réussi hélas à m'intégrer dans ce cadre-là, car ma démarche pour accompagner les managers en entreprise est de plus en plus psychanalytique.
En effet, comme je l'ai évoqué lors de nos partages, mon propre accompagnement sur le divan et depuis plusieurs années imprègne profondément ma pratique et crée un "grand écart" avec le coaching classique.
Celui-ci a une visée d'emblée résolutoire, pour des situations de crise ou de conflit, de prise de poste ou de soutien, avec alors le besoin de parcours intensifs sur une durée courte et des techniques comportementalistes.
Alors qu'en coaching analytique, j'aime privilégier des accompagnements qui peuvent être dissociés d'objectifs conjoncturels, – y compris dans des contextes de forte tension, de mutation – , pour se centrer sur des problématiques au plus long cours : sur le métier de manager, toujours solitaire au fond et "garanti d'emblée d'un succès insuffisant", sur l'exercice du leadership, avec son ambivalence aussi, et sur les bouleversements en cours dans les modes de gouvernance (entreprise libérée, "uberisation"…).
Je travaille alors avec des managers qui désirent s'engager sans prescription préalable mais avec un fil de séances courtes et régulières et sur un horizon long.
Le travail est alors plus "au naturel", sans autre outil que le fil des associations libres, sans censure, et pour relier les facettes multiples et singulières de chacun, ambivalentes aussi, et sans cloisonnement a priori entre les sphères professionnelle et personnelles, le présent et l'histoire passée, le rationnel et l'inconscient toujours agissant.
C'est alors plus créatif et transformatif au fond.
Il est bien sûr fructueux de relier ces deux approches mais un appel d'offre n'est pas propice, pour moi, à l'élaboration de ces passerelles car cela nécessite d'échanger sur le fond, de confronter en face à face nos cadres de référence et puis de co-construire avec les différentes parties prenantes (dirigeants, managers, prescripteurs, RH…), chemin faisant et si affinités en présence.
J'aime pratiquer aussi cette forme d'accompagnement en petits groupes de managers et en duo avec Eva Matesanz, mon associée ; au féminin-masculin alors. C'est pour nous comme la supervision que nous animons pour les coachs depuis bientôt quatre années. Mais nos sources sont ici psychanalytiques aussi, avec les groupes Balint comme pour les médecins, et à rebours des méthodes de co-développement trop structurées, je trouve, pour les "métiers impossibles" : "ceux qui dirigent, soignent ou enseignent".
Face à ma difficulté de répondre à cet appel d'offres, j'ai pensé un instant que j'avais peut-être pris ici le syndrome des compagnons de l'Office qui résistent ou s'opposent parfois aux changements inéluctables et aux approches plus structurées ; mais mon élan naturel pour l'innovation, le travail de recherche-action en continu pour des entreprises et avec des confrères initiés, mes contributions sous forme de publications et de conférences pour les métiers de l'accompagnement et les fédérations de coachs, montrent que c'est l'inverse au fond.
Et puis j'aime observer que cet accompagnement d'inspiration analytique se diffuse peu à peu et bouleverse le monde du coaching traditionnel. Ainsi Roland Brunner, un confrère a publié cet été un ouvrage sur cette approche : "Le coaching clinique psychanalytique". (*)
A votre écoute, toujours, si vous pensez que des accompagnements complexes et sensibles sont éligibles à cette pratique en développement continu. Et, plus singulier aussi, travailler avec un petit groupe de managers sur le mode de la supervision Balint.
Chaleureusement,
André »
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(*) Le coaching clinique psychanalytique, Roland Brunner & Luce Janin-Devillars, Editions L'Harmattan
Photo : L'Atelier des Jardiniers