Je sais bien que ça ne se fait pas mais, pendant que je l'accompagnais, je ne pouvais pas m'empêcher d'écrire. Irrésistiblement. Un, deux et trois billets. À la fois sur lui et sur moi, sur des histoires d'avant et d'aujourd'hui, sur le sale et le lait, sur le grognon et ce qui pue, sur la cruauté de l'enfance et les tondeuses à gazon…
Parce que ce n'est pas une excuse mais les jeux de transfert, ça entremêle toujours beaucoup de soi et de l'autre. Sur le coup. Alors je ne pouvais pas m'empêcher d'écrire. Et c'est souvent dans l'après-coup que ça se comprend.
J'ai caché les trois billets au fond de mon blog mais, un beau jour, il les a découverts.
– Vous écrivez sur moi, il m'a dit.
– Oui, c'est à vous d'écrire votre vie si vous voulez, j'ai répondu sans trop me démonter. Et il m'a raconté que sa mère aussi écrivait pour lui quand il était petit d'homme. Chaque dimanche soir, il lui demandait de faire ses rédactions. Alors il m'a pris au mot. Oui, il a essayé de changer un peu le sens de l'histoire.
Un, deux, trois. Trois premiers billets de son cru, comme un journal intime et sur le fil des associations libres. Et puis d'autres encore, au fil de nos séances. Et puis après aussi. Et tout ça aujourd'hui c'est devenu un livre. Ça s'appelle "Un manager à nu". C'est publié chez Kawa et avec un pseudo parce que c'est intime toujours. Je n'ai jamais lu ça ailleurs.
Et depuis, j'ai arrêté d'écrire sur lui. Enfin juste quelques lignes, pour la préface.
Eva a aussi rencontré Yvon, c'était à un atelier de campagne, et alors elle a aussi écrit une page pour son livre. C'est là sur son blog : « Manager analysant »
Et mon prochain billet, ici, ce sera un large extrait du livre d'Yvon parce que c'est vraiment bien ce livre-là.
C'est essentiel, je trouve, de revenir aux origines de notre histoire intime. Oui, c'est là que se trament et s'écrivent nos élans et nos désirs les plus intimes. Et c'est là aussi que, souvent, tout ça se retient et puis s'enfouit derrière nos peurs et nos fantasmes. En pleine inconscience ainsi !
Et l'une des origines de ce livre c'est comme une sortie de route pour moi. Parce que, dès le début du coaching, j'étais tellement accroché par Yvon, ses énigmes, sa manière de se déshabiller sans crier gare, son besoin d'ajouter un nuage de lait dans son café, ses démêlées avec la cruauté de l'enfance, les punitions et l'injustice d'alors, son aversion pour tout le sale et le rayé, pour ce qui pue et le gnangnan, qu'alors j'ai commencé à écrire des morceaux de nos séances. Un, deux et puis trois extraits de son histoire et de mon histoire, du passé et du présent, du professionnel et de l'intime, et tout ça bien entremêlé. Et j'ai publié ça dans ma fabrique de billets, sur mon blog je veux dire.
Oui, parce que même si c'est interdit, mon besoin d'écrire est encore névrotique. Écrire sur l'intimité du coaching.
Et même si j'avais planqué tout ça dans les bas-fonds de mon blog, Yvon est venu fouiner, chiner et il a découvert le pot aux roses, dans ma rubrique "Vagabondages". Et j'ai sans doute tout fait pour être attrapé ainsi, mine de rien, enfin inconsciemment. Oui, j'ai organisé les fuites, c'était un acte manqué donc bien réussi.
Parce que l'inconscient est un ami qui nous veut du bien. Enfin, pas toujours ! Mais comme c'est lui qui est aux manettes mieux vaut en faire un ami. Et puis avec Yvon c'est comme si le coaching à haute dose ne suffisait pas. D'emblée il a demandé la dose maximum autorisée. Et on a même dépassé.
Alors c'est comme si toute cette histoire-là débordait et qu'il fallait qu'elle se dise et qu'elle s'écrive plus avant et pour d'autres aussi.
Et c'est donc ainsi que ce livre est né. « Enfant, vous aimiez peut-être qu'on vous raconte des histoires mais aujourd'hui vous pouvez l'écrire vous-même votre vie, non ? » j'ai demandé à Yvon, une fois pris la main dans le sac. Il m'a regardé bizarrement ! « Oui, comment c'était quand vous étiez enfant ? » j'ai ajouté. Et c'est là qu'il s'est souvenu des dimanches soir quand il aimait demander à sa mère d'écrire ses rédactions. Et sa mère aussi elle aimait bien ça. C'était comme une manière d'être en compagnie intime pour tous les deux.
Mais, moi, même si j'aime bien donner un instant du lait et écrire des bouts de l'histoire des autres, je ne suis ni la mère ni le ghost writer de ceux que j'accompagne. Alors j'ai arrêté d'écrire et j'ai passé la main. Et Yvon s'est mis à écrire. Des pages et des pages, jusqu'à ne plus pouvoir s'arrêter. Il a écrit un peu de ce qui se répète de son histoire intime et qui s'emmêle entre sa vie d'avant et dans sa boîte. Parce que c'est compliqué et c'est très long de détricoter tout ça, tout ce qui d'habitude doit rester bien cloisonné : tout le personnel et le professionnel, le passé et le présent, le rationnel et l'inconscient, la violence et la communication non violente, etc et etc.
Et c'est pour ça qu'il est vraiment singulier cet ouvrage. Oser écrire ce qui ne se dit pas. Et c'est pour ça que ça fait beaucoup de bien à l'âme aussi un livre comme ça. Parce que l'intime et l'universel se touchent, souvent.
André de Châteauvieux
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UN MANAGER À NU - Les bienfaits du coaching en entreprise - Yvon ALAMER - Editions KAWA - Octobre 2016