15
OCT 17

Mélange des genres

– Tu sais, j'ai un fantasme avec toi.

Là, tu t'apprêtais à faire tomber ton peignoir sur le chemin vers la baignoire, mais quand je te dis ça, forcément, tu t'arrêtes net. Et tu me regardes intriguée. Et un peu inquiète quand même.
Bien sûr, tu ne sais encore rien de ce fantasme-là mais ça fait plusieurs jours que je pense à ça et j'aime choisir ce moment, pile poil quand je te croise, avec dans mes mains les trois ou quatre tee-shirts de l'été que j'allais ranger au fond du placard parce que l'automne arrive. Et c'est fou, ni toi ni moi n'avons prémédité cet instant-là, enfin pas consciemment, mais tout est là soudain pour que les choses se fassent.

– Et c'est quoi ton fantasme ? tu me demandes.

J'ai de plus en plus d'idées comme ça dans ma tête. C'est l'un des effets de la psychanalyse, je crois. Oui, ma psy dit qu'il est bon d'interposer des pensées, des mots et des fantasmes entre mes élans sauvages et mes actes, alors c'est comme si je n'avais plus besoin de réprimer toutes mes pulsions ni d'avoir peur de mes actes manqués ou d'un passage à l'acte. (De toute façon, ça ne marchait pas du tout.) Je découvre que je peux plutôt ajouter des rêves et de l'imaginaire à mes élans violents ou sexuels. Nuit et jour donc. Et alors je me sens de moins en moins crispé dans ma vie, avec toi et par ailleurs. Mais je ne sais pas si c'est une bonne chose de te raconter mon fantasme. Ça va peut-être enrayer le processus.

– Alors, c'est quoi ? tu insistes, impatiente sans doute parce que l'eau coule à grand jet, là-bas, dans la baignoire sous le ciel.

Oui, c'est une baignoire comme tu aimes, à fleur de nuages, et il te suffit de ça ou d'une chilienne au soleil pour être aux anges. Finalement, je me lance et je te dis le fond de ma pensée.
– J'aimerais bien que tu essaies ça.

Je pose les tee-shirts sur le lit et je te donne celui qui est très échancré, qui dénude les épaules et qui découvre largement les aisselles. C'est pour les hommes, c'est un marcel. C'est toi qui un jour m'as proposé d'essayer ça. (Il faudra que je pense à te questionner pour savoir ce que ça t'évoque ce genre de tee-shirt). Et donc depuis quelques temps je me demande comment ce serait sur toi. Ce n'est pas un super fantasme, je sais, et puis tu portes souvent des dessus et des dessous bien plus échancrés et sensuels. Mais j'aime t'imaginer pendant que c'est encore un peu l'été avec ça sur ta peau couleur caramel.
Je ne sais pas si les fantasmes ça s'analyse comme les rêves avec alors des « déplacements », des « retournements en son contraire » ? Et je me dis que je voudrais peut-être que tu sois comme moi, juste un instant. Peut-être aussi que je veux découvrir la part de toi qui est un peu comme un homme ou hommo-sexuelle. Oui, hommo avec deux m. Ou peut-être encore, qu'avec tout mon remue-ménage du moment sur le divan, je traverse des questions d'orientation qui m'avaient échappées jusqu'alors.

Et toi, tu regardes le marcel, tu hésites. Et ce qui est bon avec un fantasme c'est qu'on ne sait jamais s'il va se réaliser.

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