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AVR 18

A l'abri des regards indiscrets

Hier, la gardienne était devant l'entrée de l'immeuble et moi quelques pas derrière. Elle ne se doutait pas que j'arrivais, sinon j'aurais sans doute fait un truc élégant, genre lui tenir la lourde porte de fer et de verre.
Peut-être aussi que je voulais un peu me cacher mine de rien. Oui, parce que la semaine dernière c'était presque la même scène mais avec sa mère. Cette femme-là fumait sur le trottoir et, quand elle est entrée, j'ai cru la voir composer un code bizarre qui ouvrait quand même la porte cochère. Comme si elle avait craqué le code. 

C'est resté un instant comme une énigme cette histoire-là et je suis passé à autre chose. Enfin, je pensais. Mais, là, rebelote, la scène se représente. J'ai donc laissé la gardienne taper sur le digicode. Aucune lettre, pas de hashtag ni d'étoile, non, juste trois chiffres très proches. C'était rapide comme un raccourci. C'est pour ça que je n'ai rien vu et c'est là qu'elle m'a vu.

– Bonjour, vous allez bien ? j'ai dit.

Visiblement elle était gênée.

– Alors comme ça, vous avez un code spécial ? j'ai ajouté.

Elle faisait soudain une drôle de tête comme si je l'avais surprise en train de composer le code de sa carte bancaire. A l'abri des regards indiscrets donc. Alors que ça n'a vraiment rien à voir. Elle sait que je suis psy mais à ce moment-là elle a peut-être pensé que j'étais aussi psychopathe.

– Euh ! Oui, enfin c'est un code de sécurité, elle a fini par me dire.

J'ai bien vu qu'elle ne me donnerait pas le code de sécurité alors je suis parti, enfin je suis rentré, et j'ai arrêté de l'embêter.

Et puis après, de fil en aiguille, je me suis souvenu que j'ai toujours aimé espionner les gens faire des trucs secrets. Surtout les femmes. Mais pas forcément pour des choses ambiguës ou même cochonnes comme vous pouvez encore l'imaginer, genre mon « fantasme de la scène primitive ». (Freud parlait aussi du « commerce amoureux » des parents qui est la source de nos « fantaises originaires ». Bref, là, j'ai repensé à ma mère qui, lorsqu'elle faisait la cuisine, c'était toujours comme une recette très secrète ou de la magie.

Et tout ça n'a donc rien à voir avec le code d'entrée de l'immeuble mais c'est bien comme ça que marche l'inconscient : ça déplace et ça condense des histoires d'hier sur des objets d'aujourd'hui très différents.

***

Et j'avais déjà un peu écrit sur ces problèmes de digicode. C'était avec un coach qui ne voulait pas être en retard : Le guerrier devant la porte cochère.