C'était le vendredi juste avant l'été, le dernier cours du master coaching à Paris 2. Une étudiante était venue avec son chien ce soir-là et j'avais écrit quelques lignes après la séance. Des lignes que je retrouve là, dans mes oubliettes, avec mon nouveau syllabus préparé cet été : Les formations de l'inconscient pour les coachs. Et parce que les cours reprennent ce vendredi. Ils sont trente-trois étudiants cette année et je les ferai travailler en petits groupes constitués. Oui, comme ça, du début à la fin. Avec ou sans chiens. Sur les chemins de l'inconscient.
« Je n'ai vraiment pas pu faire autrement ! Alors est-ce que vous acceptez mon chien ? »
C'était le dernier cours du master coaching. Elle est arrivée avec son chien. Un dalmatien, avec des yeux très bleus. Je l'avais vue un peu en début d'année – l'étudiante pas son chien –, et puis elle avait disparu sans que je m'en aperçoive vraiment. Sauf quand elle est revenue la séance d'avant. Et cette fois-là, elle interrompait beaucoup le travail en groupe, elle coupait le fil, alors moi forcément j'étais sur la défensive. Ou bien attaquant, c'est sans doute pareil au fond. Certes c'était sur le thème de l'agressivité mais c'est là que j'ai vu le décalage avec le reste du groupe. Parce que tous semblaient plutôt attentifs aux jeux de l'inconscient à présent. Comme une autre manière de regarder, d'écouter, de parler, de s'écouter parler. Plus en doute et en nuances. Mais ce n'était pas une technique apprise, genre Communication Non Violente. Non, c'était la conscience d'une énigme ou de malentendus entre nous, entre les mots et les apparences. À chaque instant.
Bref. En venant avec son chien pour la dernière séance – une chienne, elle a tenu à préciser – j'ai pensé qu'elle réussissait un truc plus ou moins inconscient. Même si elle disait qu'elle ne pouvait pas faire autrement. Et c'est là qu'elle m'a dit « de toute façon, vous viviez en meute ». Comme si elle me cherchait encore.
Cette histoire de meute c'est parce que la fois d'avant, quand elle coupait le fil des associations libres, j'avais évoqué un instant ma vie avec les chiens. Juste un instant, sans m'étendre sur mes histoires d'enfance. Mais c'était déjà beaucoup, c'était trop, et elle avait capté ça. Alors, là, je lui ai dit que venir avec sa chienne c'était peut-être sa manière de rejoindre la meute. Ce n'était pas une question, je la cherchais à mon tour. Oui, parce qu'une femme avec un chien c'est encore compliqué pour moi. Elle a dit non non, pas du tout !
Mais elle a commencé à me raconter que le dalmatien, à l'origine, c'était un « chien de coche ». Littéralement. Oui, autrefois ces chiens-là ouvraient la voie aux attelages et aux diligences qui transportaient le courrier. Et au coche donc. Là, elle prononçait « coach », « chien de coach » elle disait.
Je lui ai demandé comment elle s'appelait, elle a répondu Lofia, je crois, je n'ai pas bien compris. En tous cas ça voulait dire joie. Moi, j'ai pensé au chien de Freud, son chow-chow, qui s'appelait Jofi. Ça voulait dire beauté. Tout ça était en aparté et ça n'a duré qu'une ou deux minutes.
Les autres étudiants sont arrivés alors j'ai présenté au groupe le programme de cette dernière séance : une forme d'examen, un examen d'inconscience, j'ai dit. Avec deux questions clés : « En quoi les processus inconscients sont actifs en coaching ? » « Et comment je fréquente mon inconscient dans l'après-coup des séances ? »
À partir de ce moment-là, la chienne s'est posée juste devant moi, et puis soudain elle s'est retournée sur le dos, les quatre pattes vers le ciel, enfin vers le plafond. J'ai annoncé les différents groupes : la libido et le sexuel ; l'agressivité et la violence ; et les jeux de transfert. Et aussi les actes manqués, les mots d'esprit, enfin la psychopathologie de la vie quotidienne, pour ceux qui aimaient.
La chienne était toujours sur le dos, un peu comme sur un divan finalement. Quand je parlais, elle gémissait. Et même elle se roulait de gauche à droite. Et puis retour. Sa maîtresse a dit qu'elle n'avait jamais fait ça avant. J'ai pensé que la chienne voulait tout simplement montrer qu'on pouvait se laisser aller aux associations libres.