C'est le titre de l'ouvrage écrit par ROUGE DÉSIR, la promo des vingt-trois étudiants du master coaching à Paris II, pendant l'année universitaire 2015-16. Et ce livre vient de paraître chez L'Harmattan. « Pour en finir » donc, mais avec un point d'interrogation et puis un sous-titre : Tel qu'on le pratique aujourd'hui. Chaque étudiant parle ici de son cheminement personnel au cours de cette année-là ou bien de son approche singulière pour accompagner. De toute façon, tout ça s'entremêle au fond. Oui, plus ou moins consciemment. Et comme j'accompagnais le groupe en supervision, du début à la fin du master, ils m'ont sollicité pour une contribution dans les coulisses, sur les coulisses de cette fabrique du désir.
Quelques lignes très personnelles donc. Au beau milieu de l'ouvrage et comme « une pause-café » disent-ils.
Dans les coulisses en pause-café
par André de Châteauvieux
Psychanalyste, coach, chargé d’enseignement à l’université Paris II (Panthéon Assas)
« ROUGE DÉSIR » C'est le nom qu'ils venaient de se donner. Un nom de baptême, donc. C'est un rituel dans les grandes écoles mais une première dans ce master. C'était au beau milieu du parcours de supervision, la quatrième séance. Ils avaient ajouté « Cohorte 14 » et moi j'avais cru entendre « Carbone 14 », le procédé de datation, le marqueur biologique. Oui, comme un lapsus de l'écoute, parce que je voulais les intéresser aux questions des origines, à l'importance de remonter sur les chemins de l'enfance pour découvrir ce qui se trame derrière leur envie de devenir coach, leur désir d'accompagner les surdoués ou les gens qui doutent, de coacher ceux qui ont fait un burn-out ou qui ont eu une enfance cabossée. Oui, prendre le temps de s'interroger sur ce qu'ils pouvaient ressentir comme une vocation mais qui est d'abord la répétition d'une histoire ancienne et intime, la recherche de liens familiers plus ou moins abîmés. Avec le risque alors que tout ça reste dans l'ombre et de prendre chaque client en otage de cette histoire-là, très personnelle.
La séance d'avant, j'avais choisi le thème « Désirs et défenses » et, ce soir-là, c'est surtout le désir qu'ils voulaient mettre en avant, sans plus de défenses. Un foulard, un polo, une robe de soie ou des chaussettes, chacun s'était habillé avec un zeste de rouge ou de pourpre, pour jouer aux devinettes avec moi, comme s'ils voulaient que je vois rouge et parce que j'avais quelque chose à voir avec ça. Oui, j'étais à la fois comme un excitant et un catalyseur. J'ai sans doute questionné un instant leur besoin de se nommer comme ça. Je ne sais plus, mais je pourrai retrouver, j'ai la bande-son des séances. Parce qu'ils enregistraient tout, du début à la fin. J'ai d'abord hésité avec ça parce que c'était aussi une première en supervision. Mais finalement j'ai laissé faire et puis je prenais le temps d'écouter ça après les séances. Je découvrais dans l'après-coup mes dérapages, mes embardées, les échappés belles de mon inconscient. Et c'était souvent très rouge. Mes mots étaient à double sens. Parce que je voulais les initier à l'inconscient, une langue étrangère qui d'habitude s'apprend patiemment sur le divan plutôt qu'à l'université. L'inconscient donc, avec ses manifestations : les rêves, les actes manqués, les histoires qui se répètent, le refoulé qui ressurgit là où on ne l'attend pas... et comment tout ça est présent aussi en coaching, avec les jeux de transfert surtout. Oui, le désir d'une gifle ou d'un baiser en séance – l'un ou l'autre ou les deux à la fois, parce que ça se mélange –, côté client ou côté coach, ça va de pair aussi. Et c'est sans doute pour ça que ce livre est là aujourd'hui. Oui, c'est la libido qui aimante les humains, qui les fait se relier en « cohorte » et puis apprendre ensemble, créer, écrire. Seuls, à deux, à trois ou même à vingt-trois.
Ainsi ce livre-là est écrit avec de la libido. La libido de chacun. Même si aucun texte, ici, ne parle de ça, pas directement, parce que c'est censuré ou ignoré en coaching, mais c'est là en coulisse. C'est de ça dont il s'agit, c'est ça qui agit chacun au fond. C'est toujours derrière les questions de leadership, d'imposture ou de doute... De spiritualité ou de pleine conscience. Et la libido ça rend agressif aussi. Alors j'imagine que l'envie d'en « finir avec le coaching », à peine après avoir commencé, prend sa source dans cet élan-là aussi. C'est une des formes de la sublimation aussi. Cet ouvrage collectif est à découvrir et lire avec cet angle-là, singulier. Oui, pour découvrir quelques traces et formes du désir en coaching.
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POUR EN FINIR AVEC LE COACHING ? Tel qu'on le pratique aujourd'hui
Sous la direction de Valérie Lejeune – Préface de Thierry Chavel
Ad valorem – L'Harmattan – décembre 2018
Découvrir l'ouvrage sur le site de l'éditeur : Editions L'Harmattan