Donc, vous avez vu, j'ouvre un cycle d'ateliers sur les us et coutumes du coaching : shopping, préliminaires, contrat, réunions tripartites… tous ces rituels institués, pratiqués comme des évidences, mais pas vraiment questionnés. Et à haute tension pourtant.
Ça commence le jeudi 21 février, à l'Atelier, et ce sera sur les questions au cœur du casting. Oui, ce moment où le client choisit « son » coach : qu'est-ce qui nous encombre et qui est agissant ici ? Quel cadre poser ? Comment être à l'écoute de son désir d'accompagner ? Mais pas à tout prix ? … ?
Et pour ça, j'ai un peu plongé dans mes souvenirs et j'ai retrouvé cette histoire-là, autour de la question du « syndrome de Stockholm ». Première rencontre donc, mais comme une séance pour moi.
– Peut-être que vous avez déjà vécu ce genre de situations, je lui dis.
Ce n'est pas vraiment une question, là. Non, je dis ça parce qu'elle me raconte comment elle a été sadisée par son n+2, enfin elle dit plutôt rabaissée, et même humiliée. Mais heureusement, elle avait un collègue, juriste et délégué du personnel, qui l'a bien aidée. Et donc elle vient ici pour un coaching, enfin d'abord pour savoir si elle va travailler avec moi ou bien avec un autre coach, une femme, je crois. Oui, c'est la DRH qui lui a donné les adresses, et moi avant, ces rencontres-là ça m'excitait beaucoup, ça me mettait dans la rivalité avec un ennemi imaginaire, dans le désir de gagner à tous les coups et dans la séduction alors mine de rien, mais maintenant je ne rentre plus dans ces jeux-là. Non, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Pour moi c'est une première séance. Alors les gens s'assoient, ils me regardent, ils hésitent une seconde comme s'ils attendaient quelque chose, et puis ils se mettent à parler comme ça leur vient.
Et elle, elle a commencé en disant je m'appelle Sylvia, j'ai une formation d'ingénieur, etc, etc. C'était comme un pitch, une récitation de choses bien ordonnées et puis elle en est vite venue à sa relation avec son hiérarchique, celui qui la sadise ou l'humilie. Et c'est là que j'ai pensé qu'elle avait peut-être déjà vécu ça, que c'était déjà connu pour elle.
– Le syndrome de Stockholm vous voulez dire ? elle me demande.
Ce syndrome-là c'est extrême, je me dis. Je ne pensais pas forcément à ça quand même. Je ne dis rien.
– C'est quand la victime devient amoureuse de son bourreau, c'est ça ? elle me demande.
– Je ne sais pas trop pour vous. On dirait que ça vous est familier.
– C'est peut-être parce que quand j'étais enfant, j'ai fait beaucoup de patin à glace. Oui, pendant plus de dix ans et donc j'avais un instructeur qui était très exigeant et qui nous donnait des coups parfois, par ci par là, sur la tête ou une tape sur les fesses. Mais c'était bien. Enfin pas les coups, mais tout l'entraînement, la compétition, et puis se retrouver sur le podium alors.
Elle a continué encore un peu sur ce fil-là et puis elle m'a demandé comment ce serait si on travaillait ensemble, pendant les séances. Peut-être qu'elle voulait savoir si, à un moment, je lui donnerais aussi des coups sur la tête ou une tape sur les fesses mais je lui ai parlé du fil des séances, une heure chaque semaine. Quoiqu'il arrive. Elle a commencé à protester, à dire que pour elle chaque semaine ne ressemble à aucune autre, etc, etc. Et on s'est arrêté là.
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La photo, là, c'est quand je suis sorti après le casting, enfin après la séance, c'était dans la vitrine du restaurant "La Clairière". Et c'est bizarre, je ne les avais pas vus les patins jusqu'alors.