05
MAR 22

Vous l'avez bien cherché !

La supervision c'est tout un chantier, toujours complexe, en continu, un travail d'enquête bien délicat je trouve. Parce qu'au bout de chaque impasse dans laquelle on se glisse, on se coince et on se débat avec ceux qu'on accompagne, ce que l'on finit par découvrir – quand on prend le temps de parler de tout ça à un tiers –, c'est toujours un ou deux détails de soi que l'on sait bien au fond mais qu'on se cache à soi-même.

Je crée ici une nouvelle rubrique, genre newsletter, où je proposerai des « morceaux » de supervision. Oui, des fragments de séances de contrôle (pour mon métier d'analyste), de supervision (le travail auprès des coachs), des séquences de travail en groupe pour le master coaching à Paris 2 – du côté de l'inconscient toujours, en particulier les jeux de transfert–, et puis ce qui me viendra au fil de l'eau...

Et pour cette première lettre, quelques lignes sur les actes manqués. C'était l'autre soir à Paris 2 justement. Je propose toujours une sorte d'apéritif sur les affaires de l'inconscient. Et, là, c'était les questions d'oubli, les méprises, les maladresses, les petits ratés du quotidien : tout ce qui semble nous échapper, échapper à notre bon sens, à notre raison. Mais qui en disent long sur nos désirs inconscients.

Parce que même si tout ça passe à l'as en coaching, c'est quand même tout un monde. Du côté coach comme du côté client : un conflit avec un autre « meeting » soudain, une séance qui bascule en « distanciel » – tellement le sans contact c'est sans limite à présent –, un paiement oublié, etc.

Un acte manqué ça vient en direct de l'inconscient – avec bien sûr toute la censure, les ruses, les brouillages du désir – alors ça peut s'analyser comme un rêve. Oui, en association libre... Et f'est ça que j'ai proposé aux étudiants ce soir-là. Un travail en duo, avec une question pas très « clean » pour boussole :

– Et peut-être que vous l'avez bien cherché mine de rien !?

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Et encore un mot ici, un mot extrait des 100 mots de la psychanalyse...

[ ACTE MANQUÉ ]

L’homme s’apprête à rendre à sa mère la visite hebdomadaire que, malgré ses contraintes professionnelles, jamais il ne manque. Tout occupé par des pensées émues qui autofélicitent le « bon fils » qu’il est, il se trompe de quai et prend le métro en sens inverse.

Faux pas, lapsus, maladresse, erreur, oubli… les actes manqués ne sont pas manqués pour tout le monde. Chacun d’entre eux signe une réussite de l’inconscient qui, au détour d’un mot, d’un geste, vient de déjouer la surveillance, celle de la conscience, de franchir une barrière, celle de l’interdit ou de la censure. Souvent ni vu ni connu, à moins qu’il ne soit versé au compte du hasard, l’acte manqué est l’inconscient de tous les jours.

Parce que le rêve nous transporte dans des lieux inconnus, invente des histoires à dormir debout et nous fait éprouver des émotions d’une intensité dont on ne se croyait pas capable, il convainc sans trop de peine que « je est un autre », que l’unité du moi est une illusion, que la personne psychique est divisée. Nul n’est auteur de ses rêves. Le lapsus en fait autant, mais, parce qu’il le fait mezzo voce, il est encore permis de faire comme si de rien n’était. La fatigue a bon dos.

L’acte manqué rend sa dignité à tous les petits déchets de la vie quotidienne, aux chutes malheureuses, que l’on chute d’un mot ou d’une échelle. À l’ombre de ces petits riens, un désir amoureux s’accomplit, une haine inconsciente trouve une issue, un châtiment tombe pour un crime que l’on n’a pas commis, mais secrètement souhaité. L’acte manqué manifeste toujours une vérité, de celle que l’on préférerait ignorer. Il n’y a pas de « hasard intérieur ». Accablé par les ennuis qui n’en finissent pas de s’accumuler – qu’a-t-il fait pour mériter cela, c’est quand même « bien cher payé » –, l’homme qui va pour composer le code de l’immeuble où l’attend son psychanalyste se trompe de chiffre et tape celui de sa carte bancaire…

Les 100 mots de la psychanalyse – Jacques André – PUF – 2009

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La photo, là, c'est quand je perds mes lunettes pour voir de loin et voir de près, pour conduire et pour lire. Alors je dois m'acheter, vite fait, des lunettes « Be Loop » et puis retrouver mes lunettes d'avant – genre Freud et plutôt chics – mais qui me font voir la vie en flou. Et je me balade avec tout ça, plus des lunettes de soleil, avec la crainte de tout perdre à nouveau.