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AVR 25

Les choses qu'on pense

Ça semble venir du même endroit que nos rêves. Sur la fréquence de l'inconscient. Mais ça surgit dans la journée, par instant. Et pas forcément sur le fil des actes manqués, des faux pas, des ratés – toute la psychopathologie de la vie quotidienne –, mais sous une forme minuscule, furtive et créative. Juste une image ou un mot, par exemple.

L'autre jour, c'était une histoire de « bruit blanc » entendue en passant. Lors d'une conférence sur l'amour des commencements, enfin sur la naissance. Et sur le traumatisme qu'est ce passage soudain du chaud, de l'humide et du sombre vers tout le contraire, vers le monde du dehors. Et donc, ces bruits blancs ont un effet apaisant pour les bébés paraît-il. Ça peut même les aider à s'endormir. Ça me semblait plus ou moins inconnu, et c'est sans doute ça qui accroche. Les choses étrangères mais familières. Il faudrait s'arrêter pour les noter, et puis chercher à en savoir davantage. Mais il est facile de passer à autre chose et alors ça s'efface.

Parfois, c'est une idée soudain saugrenue pour une question insoluble, un micro chantier resté en l'air. Faute d'idées nouvelles justement. Parce que j'aime bien avoir des projets flottants comme ça, sans solution immédiate. Oui, pour me laisser rattraper par ce qui semble loufoque. Bref. Là, je pourrais bricoler des petits sachets en tissu, je me suis dit l'autre jour. Avec dedans du gel de silice, pour les glisser dans les phares de la Twingo. Parce que ces phares-là, en polycarbonate, ont des microfissures et condensent pas mal d'humidité.
Ça ne passera pas le contrôle technique, m'a dit le type du garage.

Ça peut être aussi une sensation. L'autre fois, après m'être longtemps débattu – battu contre moi-même sans doute –, j'avais fini la nuit plus ou moins accroché à mon T-shirt, chiffonné, tourné en boule. C'était comme un doudou, j'ai pensé au petit matin. Un apaisement après une lutte. Une sensation oubliée.

C'est peut-être sur cette fréquence-là que les gens cherchent à faire des « rêves lucides ». Pour tenter de changer leur perception et le cours des choses dans leur vie. Mais, là, ce n'est pas du tout télécommandé. Ça fuse, sans protocole. Même s'il y a sans doute un truc qui s'est décoincé, je me dis. Parce que je n'avais pas ce genre de flash avant.

Il faut dire que c'est de cet endroit-là que j'essaie d'écouter ceux qui parlent en séance. Les histoires qu'ils déplient sont à double fond et il est possible d'en percevoir une trame particulière. Un texte intérieur, en filigrane, sous le signe de la répétition mais aussi du créatif.

Pour en revenir aux choses qu'on pense, je ne sais pas pour vous, mais c'est en laissant davantage de projets « en l'air », de chantiers flottants, de questions sans réponse, que l'inattendu, l'inédit et même l'accident heureux peuvent surgir.

Je dis ça parce que, par les temps qui courent, je vois de plus en plus de « business coachs » qui proposent tout le contraire : foncer sur ChatGPT pour en faire un « assistant personnel redoutable », avec des prompts clé en main. Par exemple, le prompt « Extreme Devil's Advocate » :

Remets en question chaque hypothèse dans ma façon de penser sur [ SUJET ].
Débusque tous mes angles morts, mes biais cognitifs, démonte mes arguments avec des preuves solides et propose-moi un point de vue opposé. 

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CODA : J'ai voulu en savoir plus sur le bruit blanc. En fait, c'est un son diffus, comme le souffle du vent, le bruit des vagues, un bourdonnement doux... L'idée est de recréer la bande-son du ventre maternel : les battements du cœur de la mère, le bruissement du sang, sa digestion... Et donc ça peut être utilisé après la naissance pour masquer les bruits soudains qui réveilleraient le bébé : des voix, des claquements de porte... Mais il paraît qu'on peut en devenir accro.