« Le poisson-télescope casse des pierres au fond des livres
Et le plaisir roule ces pierres
Comme vont à dos d’âne de très jeunes filles d’autrefois
En robes d'acacia
Le temps est si clair que je tremble qu'il ne finisse
Un coup de vent sur tes yeux et je ne te verrais plus
[…] »
C'est le début d'un poème d'André Breton. J'ai retrouvé, par hasard, tout au fond de ma bibliothèque, le recueil de poèmes "Clair de terre".
Pages jaunies, écornées, duveteuses aussi.
Un livre qui a été le compagnon de mon adolescence.
Chaque mot, chaque vers appris il y a vingt ans, pour le plaisir, chaque image, chaque sensation, des odeurs du moment aussi, tout est revenu à ma mémoire, intact…
Le poisson-télescope casse des pierres au fond des livres
Et le plaisir roule ces pierres
Comme vont à dos d’âne de très jeunes filles d’autrefois
En robes d’acacia
Le temps est si clair que je tremble qu'il ne finisse
Un coup de vent sur tes yeux et je ne te verrais plus
Déjà tous les récifs ont pris le large
Les derniers réverbères de paille reculent devant les éteigneurs
Auxquels les papillons blancs font un casque de scaphandriers
Ils ne se risqueront pas dans la ville aux grands chardons
Où tes cheveux sont des poignées de portes sous-marines
Des anses à saisir les trésors
Nous pouvons aller et venir sans les pièces frissonnantes
Sans crainte errer dans la forêt de jets d'eau
Nous perdre dans l'immense spath d'Islande
Ta chair arrosée de l'envol de mille oiseaux de paradis
Est une haute flamme couchée dans la neige
La neige de t'avoir trouvée
La descente de lit de loup blanc à perte de vue
André BRETON, Clair de Terre, Poésie Gallimard
Quelques mots encore ; un extrait d'un autre bel ouvrage, ma lecture du moment :
« Il m'apparaît aujourd'hui que les seuls livres que je puisse prétendre avoir lus vraiment sont ceux de mon adolescence. J'entends par là que je les ai traversés à pied comme un pèlerin et non des yeux comme un lecteur et qu'ils se sont entièrement confondus avec ma vie. [...] A cette époque c'est-à-dire avant que l'amour ne joue un rôle dans ma vie, je prenais mes quartiers, corps et biens, entre les pages. »
Christiane SINGER, Les Âges de la vie.