J'ai évoqué ici un article à venir sur le changement en entreprise : art de la guerre ou art de vivre ? Thanatos ou Eros dans les organisations ?
Difficile de changer et d'écrire sur commande ! Et pourtant, au fil des lignes et des esquisses, une trame se tisse. Un sens émerge.
Après la métaphore du deuil, voici quelques lignes et une histoire sur le changement, piloté, dirigé comme un projet.
Gérer le changement comme un projet : l'illusion de toute-puissance
Loin des larmes et du deuil, il y a des méthodes qui semblent neutres car elles ne présument pas des comportements et des émotions face aux transformations dans l'entreprise.
C'est l'univers du management par projet qui inspire aussi les spécialistes de la conduite du changement.
Il s'agit ici de prévoir la cible et le fonctionnement futur, organiser les plans d'actions et piloter le projet dans ses multiples dimensions : organisationnelle, technologique et humaine.
Les experts de ces domaines sont réunis avec des opérationnels, en équipe et sur un plateau projet. Ils coopèrent et s'ajustent autour d'une maquette ou d'un prototype.
Au cœur de cette démarche, il y a le postulat de maîtrise : maîtrise du futur, des délais, des tâches, du reste-à-faire, des risques.
Bien adapté à la réalisation des projets techniques, par exemple construire une usine, ce postulat transposé au vivant entretient l'illusion de puissance.
Puissance illusoire car le changement humain ne respecte ni les délais ni les feuilles de route. Comme la vie, il emprunte des méandres sinueux. Il survient là où il n'est pas attendu.
Quand les leaders sont désemparés
Cette entreprise industrielle déploie un progiciel de gestion intégrée qui "structure et met sous tension" ses différents métiers : vente, production, distribution.
Ce système transversal vise à satisfaire au plus vite et au plus juste les demandes des clients, à être "plus agile" face aux concurrents.
Dans chaque métier, un manager leader est choisi pour tester la solution et former son équipe.
Deux mois avant la bascule, l'anxiété monte chez ces managers : comment seront réalisés les gains de productivité ? Quelles marges de liberté dans un système qui contrôle chaque tâche ? Quel sens donner à son métier face à l'automatisation ?
L'angoisse monte car la formation des équipes approche. Et les leaders, désemparés, redoutent la confrontation face aux besoins qui surgissent : besoin de sécurité, d'initiative et de sens pour les équipes mais aussi pour eux-mêmes.
C'est comme si le plateau projet avait créé un paradis artificiel un micro-monde déconnecté du réel. Comme si l'obsession des délais et la course en avant dans l'action avaient masqué ces besoins fondamentaux.
Finalement, le projet dérapera de six mois. Six mois pour prendre le temps du retour d'expérience avec d'autres filiales, identifier les métiers qui disparaissent, obtenir de la direction des garanties sur l'emploi…
Quelques points de repère :
Lire aussi : Le désir d'entreprendre