J'aime savourer ce tout premier instant quand, à l'orée du jour, la maison dort encore et que je prends le temps de tourner, une à une, les premières pages d'un roman. En vélin, en velours.
Une page blanche d'abord. Comme pour oublier la quatrième de couverture. Puis, la page d'après, découvrir d'autres livres de l'auteur, chez Gallimard ou ailleurs : Le goût du malheur. La femme de proie. Nous ne savons pas aimer...
Encore une page pour rien, pour presque rien. Juste le titre en lettres capitales. Ce titre-là est paradoxal. La guerre amoureuse. Un oxymore.
L'amour devient une guerre, je crois, quand nous choisissons l'autre pour combler nos manques de jadis, pour guérir nos névroses.
Plus loin, une citation de Nietzche en écho à ces relations barbelées : L'amour dont la guerre est le moyen et dont la haine mortelle des sexes est la base.
Et enfin plonger dans les premières lignes :
J'allais vers un pays froid. Je m'y rendais seul et pas de gaieté de cœur. Avec même un sentiment de punition. Ce n'était pas tant de m'aventurer dans une contrée gelée qui me glaçait que l'impression déprimante de tourner résolument le dos à l'amour.
Un autre extrait plusieurs pages plus loin :
« Rien n'est plus désagréable à ceux qui se sont guéris de la passion que d'avoir sous les yeux le spectacle de ces malades qu'ils ont été mais qui, maintenant, les dégoûtent. Mirja était passée du côté des gens raisonnables. Elle ne pouvait en aucun cas m'aider. Jung dit qu'un psychanalyste doit partager la souffrance des patients qu'il soigne au point de devenir malade lui-même. Mirja répugnait à prendre sa part de mes affres. Je la sentais distante : peut-être craignait-elle d'être contaminée par le mal qui me ravageait. »
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La Guerre amoureuse - Jean-Marie Rouart
Ed. Gallimard, coll. Blanche - Janvier 2011
256 p. - 18 euros
Gallimard