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MAI 10

Le divan d'Henry Chapier

C'est troublé et ému que j'ai aimé recevoir ce cadeau de l'amie avec qui j'aime parler des abysses et des étoiles, du diable et des anges, de la vie et de la mort, d'écriture et d'art.
Et c'est troublé aussi que j'aime prendre le temps de découvrir et me laisser toucher par les artistes, auteurs, créateurs ou cinéastes que, pendant un instant, Henry Chapier a allongé sur son mythique divan jaune, dans la pénombre bleue, sous l'œil des caméras.
Plus de huit heures de confessions intimes, dans cette "édition ultime" d'une émission culte inspirée par la psychanalyse
, avec des "patients" hors du commun : Jane Birkin, Gainsbourg, Charlotte Rampling, Enki Bilal, Edgar Morin, Spike Lee…

Un cadeau délicieux à s'offrir entre amis.

 

Divan : de la « résistance » au transfert technique ! par Jean-Claude Longin, réalisateur du Divan :

« Une émission de télévision, c'est une rencontre. Mais une rencontre peut être banale ou ressembler à un coup de foudre… Comme j'aimais la légèreté inexplicable de la Nouvelle Vague, j'ai pensé que la voix, la personnalité singulière et la culture d'Henry Chapier – il parle sept langues couramment – pouvaient faire éclore cette sorte de cérémonie magnétique, inconnue à la télévision d'alors.
Le budget de départ étant inexistant, j'ai donc opté pour une scénographie à contre-courant : la projection de la couleur bleue du décor, les caméras toujours en mouvement, des travellings incessants restituant ce voyage intérieur qu'est la psychanalyse, ce va-et-vient continu entre réalité et émotion intérieure revisitée ; une danse incantatoire autour d'un divan jaune dérivant dans l'ombre, balisée des mythes de Marilyn, de la Joconde et de Sigmund Freud.
L'invité et l'intervieweur dont les regards ne se croisent jamais, mais qui s'adressent directement à la caméra, aux téléspectateurs, ces « voyeurs privilégiés » d'une destinée étrangère… Pour éviter les codes sociaux, l'invité est allongé, offrant tout son corps à l'image, exprimant sa réalité par une gestuelle intégrale. Les close-up profil – ceux qu'on ne voyait jamais jusqu'alors qu'au cinéma – trahissent souvent le masque frontal des visages, tellement habitués aux compromis de notre vie sociale et de nos conventions tribales… Ainsi, l'invité, légèrement mis en danger par sa position sans repli, s'ouvre de lui-même à son histoire, explorant toutes ses résistances. Il écoute sa propre voix intérieure le raconter…
Il comprend que la vérité n'est plus son ennemi, mais que son ennemi c'est lui, lorsqu'il travestit cette vérité et lutte contre le temps qui passe… De ce fait, libéré du traditionnel face-à-face, il peut ainsi voguer - souvent avec un plaisir inconnu ! - oubliant la pression du studio, dans la pénombre.
Et si le générique se déroule sur un fond blanc (une première graphique à l'époque qui faisait hurler les ingénieurs de la vision !), c'est pour mieux se couper de l'esthétique des autres programmes, pour annoncer sur l'étrange et envoûtante musique de Dune (du groupe Toto), un rituel quasi incantatoire qui va jouer sur le temps retrouvé, sur l'espace, dans une bulle humaniste, où le seul objectif est la connaissance de l'autre, où l'absence de rapport de forces et de codes invite l'être humain à la confidence, « sa confidence », subtilement dirigée par un Henry Chapier omniprésent. »

Le divan d'Henry Chapier - Coffret Edition Ultime - 4 DVD - INA.

Des extraits : Jane Birkin - Edgar Morin