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JAN 11

Le goût des bêtises

Elle aime lui murmurer au creux de l'oreille des mots délicieusement tabous. Elle voudrait le faire rougir. En vain. Il sourit de la voir s'amuser de ces petites transgressions. Et là, maintenant, elle frémit de ses mots interdits. Ça lui fait l'effet des chatouilles.
« Dis-moi, quelles bêtises aimais-tu faire quand tu étais enfant ? » lui demande-t-il. Elle fronce les sourcils. Long, très long silence. C'est comme s'il avait frappé à la porte d'une maison depuis longtemps inhabitée.

Ni les chatouilles ni les bêtises n'avaient cours quand elle était enfant. L'interdit et la peur du péché étaient si présents que même Satan avait déserté les alentours à jamais. Un jour, pourtant, elle a joué avec le feu et la pluie ; et puis, une nuit, avec la neige et les étoiles. Mais elle a été punie. Longtemps. Et l'élan de la vie s'est figé là.

Sa sœur jumelle est devenue gardienne d'une prison pour enfants. Mais les détenus s'évadent mystérieusement et
souvent.
Et elle, aujourd'hui, elle aime accompagner tout à la fois ceux qui dirigent et ceux qui sont dirigés.
Dans les tours de verre et dans les usines. Elle les invitent à changer de rôle et de peau, un instant et plus. Elle leur apprend à se faire des chatouilles, des farces et des bêtises.

Quelques unes de ses dernières trouvailles : regarder tomber la neige un matin, apprendre la langue des troubadours, marcher pieds nus dans un jardin anglais,
donner et recevoir un massage à quatre mains, écrire de la poésie sur le sol des ateliers, jouer à cache cache dans la forêt, créer des parfums singuliers avec de la rosée…

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