Elle parle soudain des moments où elle aime peindre. Ces instants où le besoin irrépressible de créer la prend. « C'est comme une pulsion, dit-elle. Une pulsion animale, un élan qui vient de loin. » Elle s'arrête, m'observe un instant. A-t-elle deviné ma surprise et mon trouble ? Elle nomme ici ce que je vis parfois quand j'écris, quand je laisse ma main vagabonder sur le coin d'une feuille.
« Les pensées n'ont plus cours alors, poursuit-elle. C'est ma main qui me guide. Comme si un ange amoureux m'emmenait du bout des doigts. » Elle s'arrête de nouveau, hésite. « Et c'est chaque fois un voyage. Un voyage au cœur des sous-bois, à la fin de l'été ou à la saison rousse. » Son ange la quitte ici hélas. Cela a duré une poignée d'instants au temps des horloges.
Elle parle maintenant de ses besoins de supervision. Par exemple, chasser sa peur pendant les castings. Ces moments où elle est en compétition avec des confrères. « Plutôt que la peur, c'est l'envie que j'aime interroger ici, lui dis-je. L'envie d'accompagner l'autre ou pas. Et l'envie de l'autre d'être accompagné. Sa peur aussi ! »
Elle sourit. Il y a de nouveau la trace de l'ange sur son visage. Et elle ajoute : « L'envie de l'autre d'être emmené du bout des doigts ! »
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