Pour mieux revenir aux sources, pour m'alléger, ce sont maintenant les manuels pratiques et les dictionnaires, les guides techniques et les grands livres du coaching, dont j'aime me défaire un à un et à jamais. Mais, à la place, avant que l'aube ne paraisse, une inconnue continue de déposer des romans délicieux, là, dans la blanchisserie sur le chemin de l'atelier.
Les premiers mots, les premières lignes, des pages déjà cornées, me font aimer d'emblée le livre du moment.
« À Bruges j'aimais une femme et mon visage fut entièrement brûlé. Pendant deux ans j'ai caché un visage hideux dans la falaise qui est au-dessus de Ravello en Italie. Les hommes désespérés vivent dans des angles. Tous les hommes amoureux vivent dans des angles. »
Quelques lignes plus loin :
« Je n'ai jamais plus trouvé de joie auprès d'autres femmes qu'elle. Ce n'est pas cette joie qui me manque. C'est elle. Aussi ai-je dessiné toute ma vie un même corps dans les gestes d'étreinte dont je rêvais toujours. »
Chaque page est comme une gravure. « À la manière noire. »
Pascal Quignard, Terrasse à Rome, Gallimard, Collection Folio, 2001.
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