C'est fou, toi et moi, on n'a rien en commun, elle m'a dit ce matin-là. Je ne sais pas trop pourquoi elle m'a dit ça, comme ça, à son réveil. Peut-être parce qu'elle pensait soudain à ses travaux et ses recherches sur "La psychologie du collaboratif" et moi, si c'est ça, je donne volontiers mon corps à sa science. Mais vraiment aucun point commun !, elle a renchéri. Ce mot-là – renchéri –, c'est moi qui l'ajoute ici parce que je le trouve joli. Mais c'est bizarre quand même, ai-je pensé, parce que dans l'imaginaire populaire, s'aimer c'est se trouver plein de points communs et se retrouver ensemble autour de tout ça aussi. "Qui se ressemble s'assemble", comme on dit.
Mais pour elle, c'est dans nos différences et dans nos oppositions qu'on peut vraiment être ensemble et faire de belles choses. C'est bien plus que tous les racontars sur la synergie, les complémentarités ou "l'intelligence collective". C'est bête un collectif, enfin c'est animal. Et coopérer c'est oser la différence et le conflit alors. Et elle a continué en faisant la liste de toutes nos différences. Et c'est vrai, que vu comme ça, on n'a vraiment rien en commun.
Mais le lendemain matin – à son réveil encore –, elle m'a demandé mon groupe sanguin. Oui, comme elle doit faire des examens, elle a un peu peur de ne pas réussir ces épreuves-là. Et donc, si ça tourne mal, elle a envie de savoir si je pourrais lui faire un don d'organe. Et alors on a découvert qu'on avait le même sang tous les deux, enfin le même groupe sanguin.
Et ce lundi, elle et moi, on animait le deuxième journée d'un Groupe de Pratiques Collaboratives et c'est avec ça qu'on a commencé. Oui, comme le premier jour c'était plutôt fusionnel, chacun aimait se voir dans l'autre et vice versa, comme dans un miroir – comme dans la relation mère-enfant aussi, parce que se retrouver en groupe ça ramène d'emblée à ça, mine de rien, à la matrice et c'est pour ça qu'au bout d'un moment, tellement ça idéalise, ça colle et ça ronronne, on n'en peut plus et alors ça finit par craquer, d'une manière ou d'une autre – et donc Eva et moi on a ouvert la séance avec une question sur les biens pas communs :
« Qu'est-ce qu'il y a de pas commun entre vous ? »
Et le miroir a commencé à se briser. Un peu comme le père s'immisce dans la relation entre l'enfant et sa mère. Et c'était bien alors.
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Ces deux journées-là c'était sur le thème MOI DANS LE GROUPE : "L'apprentissage majeur est la libre association en groupe qui permet des contributions inattendues bien au-delà des techniques de brainstorming. Et aussi l'outil d'animation qu'est l'écoute croisée des "conducteurs" du groupe (le fil des associations de chacun quand on anime en duo)."
Le prochain module ce sera MOI FACE AU GROUPE. Oui, parce qu'un autre fil de l'apprentissage ici – et loin alors des histoires un peu limitées quand même sur la "position haute ou basse" du coach – c'est la question de notre place dans un groupe. Et pour ça on invite chacun à prendre toute la place, enfin différentes places, familières, préférées, plus ou moins conscientes ou inconnues en apparence : collé/coupé, fusionné/enragé, dedans/dehors, parité/dissymétrie, etc. En écho à l'histoire de chacun alors. Deux jours, en mai et juin.
Et ce groupe-là est ouvert si vous aimez.