Les rêves, les souvenirs-écrans, les actes manqués, les lapsus ou les maladresses... c'était pendant les premières séances du master coaching à Paris 2, pour donner aux étudiants un peu le goût de l'inconscient au jour le jour. Et aussi les jeux de transfert pour "sentir" les manifestations de l'inconscient en coaching. Et puis, vendredi soir, application plus pratique. Oui, application au projet de mémoire de chacun, un objet à "haute tension", sans frontières et à la croisée de multiples chemins : sur commande mais créatif, mêlant le professionnel et le personnel, la théorie et la pratique, l'histoire passée et l'illusion du futur...
Et parce que, face à tout ça, j'en vois beaucoup qui chaque année procrastinent, demandent une dérogation ou se lancent dans des sondages ou des interviews. Comme pour se fuir.
Alors, j'ai proposé de "regarder" ce projet-là, en particulier la relation de chacun à cet objet, sur le mode analytique, c'est-à-dire depuis la scène de l'inconscient : répétitions, conflits intérieurs, pulsions…
Travail en petits groupes alors, pause en solo et en silence (si affinités), et puis place aux fantasmes...
Hier, la gardienne était devant l'entrée de l'immeuble et moi quelques pas derrière. Elle ne se doutait pas que j'arrivais, sinon j'aurais sans doute fait un truc élégant, genre lui tenir la lourde porte de fer et de verre.
Peut-être aussi que je voulais un peu me cacher mine de rien. Oui, parce que la semaine dernière c'était presque la même scène mais avec sa mère. Cette femme-là fumait sur le trottoir et, quand elle est entrée, j'ai cru la voir composer un code bizarre qui ouvrait quand même la porte cochère. Comme si elle avait craqué le code.
Des fois, j'écris des trucs dans mon mobile. C'est comme un journal de bord. Et, comme ça, je me laisse "contaminer" ou je prends un peu de distance, je fais des liens...
Lundi 5 mars
J'avais un rendez-vous téléphonique aujourd'hui avec la directrice de l'usine qui fabrique une bactérie. Enfin la bactérie elle se développe bien toute seule et en boucle fermée. Elle entre dans la composition de crèmes qui font aux femmes une peau plus douce.
Mais le souci dans cette usine, c'est que parfois il y a contamination. Alors, ça met à mal toute la production, et cela pendant plusieurs mois, le temps de décontaminer.
Il vous arrive peut-être de vous sentir aux limites face à un client coincé dans une impasse professionnelle. Ou bien avec un autre au cœur d'un conflit ou d'une crise. Vous jouez ici du "reflet systémique", du "triangle dramatique" ou de la "Communication Non Violente", mais ça résiste et ça tourne court, comme s'il se tramait tout autre chose en coulisse, une énigme inédite.
Alors pourquoi ne pas laisser vos clients associer librement, comme ça vient ?
Oui, sans frontières posées a priori entre la sphère professionnelle et leur vie personnelle, entre le présent et leur histoire passée, à la découverte alors de ce qui se répète dans ces impasses et ces conflits.
« … chaque personne que je croise dans la rue, dans le métro, au pied de mon immeuble, est devenue, depuis quelques semaines, un ennemi. Quelque chose à l'intérieur de moi, ce mélange de peur et de colère qui s'était endormi pendant des années – sous l'effet d'une anesthésie aux apparences de douce somnolence, dont je contrôlais moi-même les doses, délivrées à intervalle régulier –, quelque chose en moi s'est éveillé.
Je n'ai jamais éprouvé cette sensation sous une forme aussi brutale, aussi invasive, et cette rage que j'ai peine à contenir m'empêche de dormir. »
C'est un extrait du nouvel opus de Delphine de Vigan : Les loyautés. Et c'est écrit avec la même encre que Rien ne s'oppose à la nuit. Oui, une encre noire, l'encre des histoires qui se trament dans les coulisses des familles plus ou moins parfaites.
Un livre sur les emprises silencieuses qui se tissent au fil des années d'enfance, sur ces liens invisibles qui nous attachent et nous façonnent, qui nous portent ou nous accrochent. Et sur les arcanes de l'adolescence comme la recherche d'une issue face à tout ça, peut-être.
C'est un beau roman. Outrenoir.
« Erotiser l'entreprise ». Les gens se disent que c'est de la provocation ce titre-là. Et avec toutes les histoires de sexe, enfin d'abus sexuel, au cinéma ou dans les coulisses, dans le métro ou dans l'entreprise, ce n'est pas la peine d'en rajouter.
Les gens se disent ça et ils nous regardent par en-dessous, d'un air mauvais, et puis ils essaient de passer à autre chose.
Et, quoiqu'on en dise, quoiqu'il en soit, Eva et moi on continue sur ce fil de l'Eros et « des rapports professionnels sans complexes » – c'est le sous-titre du livre. Parce que, certes il y a les gens qui nous snobent, mais il y a aussi ceux qui prennent le risque de la rencontre, du frottement, de la surprise. Dans les écoles et les universités. Là où c'est plus électif.
« Vous les embrassez, vous les tutoyez, vous les appelez par leur prénom, et après vous vous étonnez qu'ils aient envie de devenir votre ami et d'arrêter l'accompagnement ! »
C'est ma psy, l'autre jour, qui reprenait simplement mes mots, comme ça, dans une seule phrase. Je me dis que l'inconscient est comme une langue étrangère, oui, tout est crypté, mais c'est une langue que l'on peut apprendre si l'on veut bien s'en donner le temps. Il y a, par exemple, la condensation, c'est dans les rêves d'habitude, mais là c'est un peu ça qu'elle a fait ma psy : elle a condensé dans une seule phrase ce que je venais de lui raconter. « Et, pourquoi vous faites ça ? » elle a ajouté.
Ce titre-là, « Les dessous du coaching », c'est le titre que j'ai choisi pour apporter une touche personnelle à l'ouvrage écrit cet été avec Eva : « Érotiser l'entreprise - Pour des rapports professionnels sans complexes ». Une trentaine de pages, plutôt intimes et au beau milieu du livre, parce que j'aime bien regarder les choses par en-dessous. C'est une déformation de l'enfance. Oui, les gens parlent de "déformation professionnelle" quand ils font des manières, mais ça vient d'avant toutes nos manières de voir et de faire.
Trente pages donc, sur ce qui se trame sur la scène de l'inconscient et dans l'entreprise. Entre pulsions, fantasmes et névroses. Et pour éclairer un peu tout ça, j'ai aimé relier les points entre coté fauteuil et coté divan : les séances quand j'accompagne et puis mon travail en psychanalyse. Jeux de transfert et de contre-transfert. Avec aussi des balades à la campagne quand je fais des détours en Simca. Les ricochets du passé vers aujourd'hui.
Extraits.
Sur les bords de l'Yonne, tout au bout du chemin du Port de Givet, il y a un cimetière de bateaux. Avec les carcasses éventrées et les choses abandonnées, cassées, ça a un côté apocalyptique, triste aussi, mais j'aime bien cet endroit-là. Il n'y a jamais personne et c'est inondé quand le fleuve monte. Freud parlait de « la vie d'âme » et des « provinces de la pysché » et je me dis que dans un coin de ma tête j'ai une « province » comme ça. Ça me rappelle aussi que, derrière Fauchon, c'était la Pinacothèque de Paris, le fameux musée privé consacré à l'histoire de l'art. Un beau jour ça a fermé et c'est resté en chantier pendant longtemps. Je connaissais bien ce coin-là parce que c'est sur mon chemin quand je reviens de chez ma psy.
Et un jour, Eva et moi on n'était pas loin et, sans trop savoir pourquoi, j'ai voulu faire le détour pour lui montrer tout le chantier. Quand je propose un détour à Eva c'est souvent suspect et risqué.
Imaginez une supervision en petit groupe mais sans modèles ni questions "puissantes". Sans protocole ni prêt-à-penser. Non, parce que tout ça rassure un instant peut-être mais c'est illusoire et infantile. Enfin, non, même pas infantile car les enfants ne cherchent pas ça au fond.
Un groupe où il n'y a pas non plus de psychodrame ni de révélations choc à chaque séance, parce que c'est dans la durée, patiemment et par la parole, que se dénoue ce qui s'est coincé, fixé, au fil de notre histoire intime.
« Changer ma vie, vendre ma maison, éduquer mes enfants, améliorer mon look, perdre des kilos, m’apprendre à travailler en équipe… Les coachs seraient en passe de remplacer les psys pour nous aider à affronter différentes situations. Mais que font-ils au juste ? »
C'est un article de Isabelle Taubes pour Psychologies Magazine, le numéro de février. Que font les coachs au juste, mais aussi vont-ils voir un psy ou bien, sinon, sont-ils supervisés ? C'est sur ces points-là et sur le coaching d'entreprise que la journaliste nous a interviewé, Eva et moi. Retour aux sources et enquête dans les coulisses du "peuple coach".
Extraits...Et puis tout l'article avec aussi une interview de Norbert Marcia, sur sa pratique de coach.
Outils de test ou de profiling, PNL ou AT, Analyse Systémique, Hypnose, Thérapie brève, clean language… Les théories que nous chérissons, nos outils préférés, prennent leur source dans notre histoire personnelle et se mélangent avec elle.
Et c'est notre énigme intime que nous cherchons à résoudre ainsi.
C'était vendredi soir à Paris 2, quatrième séance de supervision de groupe pour le master Coaching. Et j'ai choisi de continuer de regarder le dessous des choses. Sur le fil de l'inconscient encore et sur un mode plus appliqué aussi.
L'autre matin, à l'entrée de la forêt domaniale de Soucy et Voisines, là où je prends le sentier sauvage pour aller courir, il y avait sur la terre deux gros morceaux de viande. Ils étaient bien découpés, en carré, comme sur l'étale du boucher. Je m'attendais à voir plein de sang autour – je ne sais pas trop pourquoi j'ai eu cette pensée-là –, mais ça ne saignait pas du tout. C'était un peu comme des rillons de Touraine mais, là, c'était tout cru mais pas saignant donc. A cause du froid peut-être. Inquiet, j'ai regardé par derrière, à droite, à gauche, et j'ai aperçu sur le talus, un autre morceau de viande beaucoup plus gros avec un os. Pas de sang non plus. C'était comme un jeu de piste. Alors pour en savoir plus, mais de plus en plus inquiet, j'ai grimpé sur le bord du chemin, ça dérapait parce qu'il pleuvait depuis des jours et des nuits, j'ai glissé dans la gadoue, je me suis accroché aux branches et, de l'autre côté du talus, il y avait une carcasse découpée, exactement comme celles que le boucher suspend à des crochets dans sa chambre froide.