Quand je suis entré chez ma psy par la porte, l'autre soir, j'avais mon sac de voyage et je pensais qu'elle le connaissait bien ce sac-là (en cuir souple, plutôt vintage et sans les roulettes à la mode), parce que je viens toujours avec quand je vais de la campagne à Paris et puis retour, mais ce soir-là elle l'a regardé bizarrement, et même de travers, oui, comme si je transportais plein d'explosifs dedans (un peu comme les gens dans les trains quand ils déposent leur valise ici ou là, et qu'ils se regardent par en-dessous parce qu'ils ont peur les uns des autres et qu'il faut être « Attentifs Ensemble »), même si maintenant je sais bien que je projette toute une part de mon monde intérieur sur ma psy alors que bien sûr elle ne peut pas savoir ce qu'il y a dans mon sac et qu'elle doit penser à mille autres choses ou même à rien quand j'arrive.
Rêve. « Elle se rappelle qu’elle a deux hannetons dans une boîte ; elle veut les mettre en liberté, parce que sinon ils vont étouffer. Elle ouvre la boîte, les hannetons sont tout épuisés ; l’un d’eux s’envole par la fenêtre ouverte, l’autre est écrasé par le battant de la fenêtre, au moment où elle la ferme, comme quelqu’un le lui demandait (manifestations de dégoût). »
C'était vendredi soir, supervision de groupe pour le master coaching, troisième séance que j'ai consacrée au travail du rêve et à l'analyse des rêves.
Et « le rêve des hannetons » est celui d'une analysante que Freud choisit dans son ouvrage L'interprétation du rêve pour illustrer l'un des mécanismes de formation du rêve : la "condensation" qui permet de dissimuler le désir inconscient. Et donc cette femme, de fil en aiguille, enfin d'une association à l'autre, se souvient que la veille au soir elle a laissé une mite se noyer dans son verre d'eau… et que sa fille, dans son jeune âge, lui avait demandé de l'arsenic pour tuer des papillons dont elle faisait collection… et que des pilules d'arsenic peuvent aussi rendre à un homme la vigueur de sa jeunesse… et qu'elle est angoissée au sujet de son mari parti en voyage mais qu'elle a eu une curieuse idée, oui, que son mari se pende…
Et si vous voulez savoir pourquoi, c'est à la fin de ce billet, un extrait de L'interprétation du rêve.
Il accompagnait cette femme-là depuis un moment déjà et puis, un beau matin, juste avant la séance elle a trébuché dans l'escalier. « Rien de grave, mais ça aurait pu être beaucoup plus grave. », elle lui a écrit par texto. Et alors elle n'est pas venue. La séance d'après, elle a eu une rage de dents, toute la nuit. Et donc elle n'est pas venue non plus. « Je reviendrai dès que les choses rentreront dans l'ordre. » elle lui a écrit. Oui, les gens font ça des fois, ils imaginent que les choses vont rentrer dans l'ordre et donc ils attendent.
Vendredi dernier, il y avait une nouvelle journée de cours à la fac pour le D.U Psychanalyse freudienne à Paris 7. Et dès qu'elle est arrivée, la prof est montée sur le bureau (c'est une prof différente à chaque fois), elle s'est assise dessus, au beau milieu du milieu, je crois qu'elle a enlevé ses chaussures (je ne voyais pas très bien parce que je m'étais installé tout au fond, près de la fenêtre, pour éviter de faire mon malin comme la première fois, enfin comme quand j'étais au lycée) et puis, tant bien que mal, elle a pris la position du lotus en nous disant : "J'espère que je ne vais accoucher ici, aujourd'hui !"
Un mauvais coup de visseuse-dévisseuse sur le doigt quand je répare la pompe à eau dans la mare. Une marche arrière dans un chemin creux de la forêt qui met en accordéon le pot d'échappement de ma vieille Simca. Une bouteille d'eau qui se vide dans ma musette, avec mon mobile au fond…
Oui, je fais pas mal de bourdes et de bévues en ce moment, avec pleins de conséquences quand même. Et comme j'aime bien lire Freud, toujours, j'ai eu envie de faire ça aussi à Paris 2 : ouvrir la deuxième séance sur le thème "Méprises et maladresses". C'est le chapitre 8 de "Psychopathologie de la vie quotidienne" et c'était vendredi soir pour le master Coaching. Non pas pour faire un truc à la mode, genre "lâcher prise" ou "apprendre de ses erreurs", mais pour continuer sur le fil de l'inconscient, comme un apéritif. Parce que si l'on prend le temps d'y regarder de plus près, dans nos faux-pas du quotidien, dans nos gestes mal placés, il y a toujours un mobile au fond.
Et puis j'ai continué sur les questions de transfert. Oui, parce que la supervision, quoiqu'on en dise, c'est l'analyse du transfert.
Si vous aimez, j'ai mis à la fin de cette note un court extrait du chapitre "Méprises et maladresses" : une confusion d'un instant, de Freud, entre marteau à réflexes et diapason. Comme une énigme à résoudre alors.
C'était le début de la nuit. Les choses prennent toujours d'autres proportions la nuit. Je roulais vers la campagne et, sur les ondes, il y avait Serge Tisseron qui recevait Marie Darrieussecq pour son nouveau roman. Ça m'a tout de suite accroché. L'émission, l'ambiance, le titre, "Matières à penser" (le vendredi soir c'est sur "les hommes et les machines"), le thème du roman. L'auteure racontait qu'il y a quelques années, elle avait été psychothérapeute et qu'elle était intervenue après les attentats du Bataclan mais qu'elle préférait écrire à présent. Oui, parce que sans ça elle serait sans doute dans une maison de repos aujourd'hui. L'héroïne de son roman, Viviane, est aussi thérapeute. Et elle écrit. À la première personne. Au fond d'une forêt.
Jusqu'alors j'étais vraiment incapable de lire des écrits de Freud. Ça me rebutait.
Mais c'était bizarre parce que j'aime beaucoup, beaucoup, écouter des psys le citer et commenter ses textes. Des psychanalystes comme Paul-Laurent Assoun, J.-B. Pontalis, André Green et bien d'autres. Avec alors le plaisir de leur voix quand ils reprennent et développent sa pensée. Et puis, en retournant à la fac, j'ai bien vu qu'il me faudrait quand même en passer par là, par lire ses ouvrages de référence je veux dire. Parce qu'à la fin du D.U. il y a un examen de deux heures sur toute la psychanalyse freudienne. Mais, depuis, c'est pire, je ne comprends rien. Je fais un blocage.
Alors, un soir, j'ai évoqué ça sur le divan. Sans me faire trop d'illusion parce que je sais bien que ce n'est pas résolutoire la psychanalyse. Enfin pas directement.
Une femme me plante un couteau dans le bras gauche. Ça le transperce mais ça ne me fait pas du tout mal. Et ça ne saigne pas. Je me réveille en sursaut. Je crois bien que la femme m'a fait ça parce que j'ai voulu la pousser à bout. Comme s'il fallait une raison à tout ça.
– Pourquoi le bras gauche ?
D'habitude ma psy me laisse patauger juste après le récit de mon rêve – un peu comme on fait au réveil d'ailleurs –, mais aujourd'hui, à peine ai-je fini et elle me questionne. C'est vrai que j'ai précisé que c'était mon bras gauche, là, mais je ne vois pas du tout pourquoi. Pas encore. Et puis, ce qui semble s'imposer dans un rêve c'est souvent pour détourner l'attention et cacher tout autre chose alors. Comme le ferait un couple de magiciens quand la femme montre une colombe dans une cage, en remuant plus ou moins ses fesses d'ailleurs, et pendant ce temps-là le type prépare son coup.
– Vous n'êtes pas gaucher pourtant ?
Ma psy insiste. Non, bien sûr ! Mais comment elle peut savoir ça, je n'ai jamais écrit sur le divan, enfin pas devant elle. Moi je me dis que la femme qui me plante le couteau c'est peut-être moi-même puisque j'ai bien compris maintenant que je suis aussi l'instigateur de mes rêves. Oui, ce serait plus pratique de me faire ça avec ma main droite. Mais je n'ai pas d'envie de suicide, enfin pas consciemment.
Derrière moi, ma psy semble s'entêter, elle dit que ça lui évoque le cœur parce que le cœur est à gauche.
– Tu sais, j'ai un fantasme avec toi.
Là, tu t'apprêtais à faire tomber ton peignoir sur le chemin vers la baignoire, mais quand je te dis ça, forcément, tu t'arrêtes net. Et tu me regardes intriguée. Et un peu inquiète quand même.
Bien sûr, tu ne sais encore rien de ce fantasme-là mais ça fait plusieurs jours que je pense à ça et j'aime choisir ce moment, pile poil quand je te croise, avec dans mes mains les trois ou quatre tee-shirts de l'été que j'allais ranger au fond du placard parce que l'automne arrive. Et c'est fou, ni toi ni moi n'avons prémédité cet instant-là, enfin pas consciemment, mais tout est là soudain pour que les choses se fassent.
– Et c'est quoi ton fantasme ? tu me demandes.
Ça m'a fait tout bizarre la première fois de retourner sur les bancs de la fac, là-bas à Paris 7, pour le D.U. Psychanalyse freudienne. Oui, il y a pas mal de béton et de verre alors ça m'a rappelé mes études à Tolbiac. Même si Paris Diderot c'est plus joli parce que c'est au bord de la Seine et dans les Grands Moulins de Paris.
Ça m'a aussi replongé dans mes années lycée alors que c'est beaucoup plus loin dans ma tête (Freud parlait des "provinces" de l'inconscient mais celles-ci sont sans doute intemporelles). Les tableaux sont verts et les profs écrivent à la craie. Et surtout, me retrouver assis dans une salle de classe, tout au fond ou juste sous le nez de la prof, pendant plusieurs heures, c'est comme si j'étais tout d'un coup dans mon adolescence.
J'avais du mal à rester en place, j'étais agité par l'envie de faire mon malin ou d'attaquer la prof, enfin de la mettre en difficulté. Mais à ce jeu-là , les autres étudiants étaient bien plus forts que moi. Alors je me suis souvenu que je faisais exactement ça quand je suis arrivé en sixième. Oui, je faisais tourner en bourrique la prof de musique et j'étais très amoureux de la prof de sciences nat.
C'est ça le transfert, c'est immédiat, c'est tout le temps là et je me demande comment les gens se demandent ce que c'est. Je me suis calmé et le soir, quand je suis redevenu prof pour le master Coaching à Paris 2, j'ai commencé d'emblée avec les souvenirs d'enfance et une question : Pourquoi vous avez choisi de revenir sur les bancs de la fac ? Hein, pourquoi ?!
C'était la première séance et sur le thème de l'inconscient, au quotidien, "au tournant" et en séance.
« Thèmes inédits et mises en situation passionnantes. » … « Explique bien les fondamentaux du coaching. Par contre, part un peu trop dans sa propre histoire et ne cadre pas bien les pratiques : pas de consigne, des contradictions... amusant mais peu enrichissant pour moi. »
J'imaginais qu'il n'y avait plus d'évaluation à la fin du master Coaching à Paris 2. Oui, l'année dernière je n'ai rien vu passer de ce rituel-là, ni note ni commentaires des étudiants sur les enseignants. Alors c'est peut-être pour ça que cette année, mine de rien, j'ai aimé aller plus loin encore, sans censure, avec plein de contradictions et de folie, "à la rencontre de l'inconscient".
Les cours recommencent cette semaine avec une nouvelle promotion et j'aime, moi aussi, retourner sur les bancs de la fac, à Paris 7, pour le D.U "Psychanalyse freudienne". Là-bas, les profs écrivent à la craie sur des tableaux noirs… Les bâtiments s'appellent Olympe de Gouges, La Halle aux farines…
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Lean Management, Gemba, 5S, Kaïzen, TQM... Dans cette usine-là ils ont testé, adopté, déployé toutes les méthodes pour maîtriser les flux, les process, la qualité, les coûts, etc… Tout mais pas encore le "Kata", une démarche d'amélioration continue encore inédite en France. Alors Vincent, expert en organisation industrielle qui a créé sa boîte, nous a écrit :
– Eva, André, ça vous dirait, à l'un ou à l'autre, de venir avec moi accompagner une équipe de managers pour les entraîner au Kata Coaching ?"
Eva et moi on connaît bien Vincent – il participe au groupe "Innover dans le conseil" et on a animé avec lui, Eva au Luxembourg et moi dans le passé, à la Cegos –, mais on ne connaît rien au Kata. Par contre on aime bien tout ce qui se trame dans les coulisses des groupes et des équipes. Oui, les passions et les tabous de chacun qui s'entremêlent dans tous les sens, s'amplifient toujours dans un collectif et contribuent alors à le booster ou le faire patauger.
– Non ! Ni l'un ni l'autre. Parce que pour faire vraiment équipe, faisons équipe à trois, on lui a répondu.
Et c'est ainsi que je me suis retrouvé tout d'un coup dans ma vie d'avant, au beau milieu d'une usine bourrée de technologies où même les plantes ont un emplacement numéroté. Oui, toute une journée comme quand j'étais consultant, dans une salle presque aveugle sans pouvoir bouger les tables et avec les managers Production, Méthodes, Qualité, l'un des boss de l'usine, et Vincent et Eva.
« Transformation digitale, articulation de l'individuel et du collectif, intergénérationnel, intelligence collective et intelligence artificielle, environnement… autant de (r)évolutions qui interpellent, impactent nos modes de vie, nos habitudes et nos cultures en tant qu'individu, collectivement et dans les modes de management des différentes organisations. »
C'est ainsi que l'antenne Nord de l'ICF pose les enjeux d'une nécessaire transformation du monde du coaching face à tous les bouleversements en cours. Car ce sera le thème d'une nouvelle Journée d'Etude à Lille, le 20 janvier prochain, en peuple coach et en débat avec « des sociologues, philosophes, chefs d'entreprise, etc, pour une humanité à réinventer et à protéger ».
Et, pour contribuer à cette journée Coaching et évolutions sociétales, Eva et moi aimons proposer un atelier entre désirs et inhibitions, entre les histoires intimes de chacun et les us et coutumes d'une pratique du siècle passé, avec plein d'outils qui se sont empilés sans vraiment se renouveler :
« Révolution du coach et évolutions du coaching, entre désirs et tabous ! »
Quelques pas plus loin ainsi sur le fil de nos créations singulières et en duo : "Mars & Venus sur le divan" (Féminin-Masculin & coaching) ; c'était en 2012 et puis après aussi : "L'inconscient un ami qui vous veut du bien" (Neuroscience & Coaching) ; "En quête de sens, en quête de soi" (Performance et quête de sens) ; "Quel accompagnement des managers pour l'entreprise réinventée ?" (Entreprise libérée).