Je ne sais pas pour vous mais, l'autre jour et puis une autre fois, comme je voulais un clafoutis, j'ai cherché sur Google. La 1ère fois c'était sur marmiton.org, mais entre la farine et le lait, il y avait plein de clips de pub. Entre les œufs et le beurre aussi. Bien sûr je coupe toujours le son et je floute mon regard, mais ça me brouille en retour.
Alors, la fois d'après, j'ai essayé avec lejournaldesfemmes.fr. C'est tout un monde ce nom-là. C'était moins pire mais c'était bizarre de découvrir au bout du compte que je n'avais pas vraiment la mémoire de tout ça. Des ingrédients, des proportions, de la manière de faire. Ni dans la tête ni dans le corps. Comme si les choses ne s'étaient pas inscrites.
L'autre jour – enfin l'autre nuit – j'ai fait un rêve qui est resté pas mal de temps dans ma mémoire vive. Oui, avec deux mots qui, côte à côte, faisaient une drôle de rime : la berge et la barge.
Un rêve phonétique en quelque sorte. C'était la première fois. Et tout ça parce que je cherchais une place pour garer ma Simca au bord d'un cours d'eau. Un canal ou un fleuve, je ne sais plus trop. Sur une sorte de berge en tout cas. Oui, je partais en voyage en avion, alors je voulais laisser la voiture là, plusieurs jours. Et je connaissais bien cet endroit-là visiblement, mais il y avait maintenant des bateaux de chantier. Des barges justement. Avec des grues dessus, des porte-conteneurs comme dans un port de commerce.
Il faut dire que cette image des grues ne m'est revenue qu'après coup, quand j'ai raconté ce rêve sur le divan. J'ai trouvé ça bizarre. Un effet du transfert sur ma psy j'ai pensé. Oui, les histoires qu'on se raconte changent avec qui on les raconte mine de rien. C'est comme les cartes postales de vacances – même si ça ne se fait plus – t'écris pas exactement la même chose à ta grand-mère et au voisin qui s'occupe de ta carpe koï.
– Et, vraiment, vous vous demandez ça alors ?
C'est ma psy qui m'a demandé ça l'autre jour. Elle m'a semblé vraiment surprise. Ou plutôt, elle était en train de me surprendre dans un truc pas très clair au fond, une entourloupe peut-être. Tout ça parce que j'arrive toujours en vélo sur le divan – je viens en Vélib je veux dire – je remonte les quais, les courbes de la Seine, rive gauche, puis rive droite jusqu'ici. Et ça me plonge déjà dans une sorte de rêverie éveillée, un état proche de la cure par la parole. Oui, sans trop de tabous. Et donc je lui parlais d'emblée des femmes qui se baladent aussi en vélo au bout du soleil.
Ça se voit plus ou moins, je lui disais, ça se devine à travers les tissus, les étoffes, quand elles me doublent, quand elles pédalent, du bord des hanches jusqu'au sillon interfessier, leurs dessous dessinent un V ou un Y. Je ne peux m'empêcher de poser mon regard par ici ou par là. Et je me demande alors si les gens regardent ainsi aussi ? Si ça se fait de faire ça ? Je ne sais pas trop. Oui, regarder les courbes des femmes qui portent un string rouge ou noir, une culotte plus ou moins scandaleuse ?
Je me demande même si certaines ont vraiment une culotte, tellement la soie de la jupe ou le lin du sarouel épouse le contour de leurs fesses. Ou l'inverse peut-être. Ça fait corps, en tout cas, quand elles swinguent, quand elles se chaloupent sur la selle.
« Mais ils savent bien que ça finit toujours dans votre poche. »
C'est mon contrôleur qui me disait ça l'autre jour. Je ne parle jamais de lui par ici mais plutôt de ma psy. Tellement que, des fois, les gens m'écrivent en privé pour me dire qu'il faudrait vraiment que j'arrête avec elle, avec le divan, avec Freud, etc. Comme s'ils croyaient savoir pour moi de quoi il en retourne. Ça leur évite de penser à eux sans doute.
Maintenant, quand j'écris mes rêves, j'ai toutes sortes de pensées, de tabous et d'analogies qui me viennent en même temps que l'histoire du rêve. Ça ouvre alors plein de pistes sur l'impensable.
Tout ça est nouveau. Avant j'attendais d'être allongé sur le divan pour mener mon enquête. Comme si quelque chose s'était décoincé. Une sorte de liberté de penser des trucs bien tordus, baroques, sans le détour par un autre.
– Alors pourquoi je vous raconterai mes rêves à présent ? j'ai dit à ma psy.
La supervision c'est tout un chantier, toujours complexe, en continu, un travail d'enquête bien délicat je trouve. Parce qu'au bout de chaque impasse dans laquelle on se glisse, on se coince et on se débat avec ceux qu'on accompagne, ce que l'on finit par découvrir – quand on prend le temps de parler de tout ça à un tiers –, c'est toujours un ou deux détails de soi que l'on sait bien au fond mais qu'on se cache à soi-même.
Je crée ici une nouvelle rubrique, genre newsletter, où je proposerai des « morceaux » de supervision. Oui, des fragments de séances de contrôle (pour mon métier d'analyste), de supervision (le travail auprès des coachs), des séquences de travail en groupe pour le master coaching à Paris 2 – du côté de l'inconscient toujours, en particulier les jeux de transfert–, et puis ce qui me viendra au fil de l'eau...
– Oui, terminez votre phrase !
C'est ma psy qui m'a dit ça comme ça, l'autre soir. Ça m'a bien accroché cette manière de dire qui est aussi une manière de faire. Parce que je ne peux pas m'empêcher de regarder comment elle s'y prend avec moi.
Là, c'était encore au téléphone, tout ça parce qu'elle est bien vaccinée mais elle a toujours peur du virus visiblement. Elle ne peut plus me voir – enfin elle ne veut plus – et moi non plus je ne la vois pas. Alors, pendant les séances, je peux faire des trucs que je ne peux pas du tout faire sur son divan. Me préparer une tisane BIO Relax par exemple.
Je ne sais pas pour vous, mais je réalise que depuis le tout début de ma pratique d'accompagnement – que ce soit en conseil, formation ou coaching et jusqu'à aujourd'hui, en psychanalyse – je me suis engagé dans un travail de supervision en continu. Oui, en groupe ou en individuel, parfois les deux, avec l'accent mis d'emblée sur le corps, la relation, le contact (gestalt), ou sur la dynamique du groupe (psychodrame), ou encore avec un cadre de référence plus analytique (analyse des jeux de transfert, contrôle).
Et c'est comme ça, en me confrontant en continu à un tiers choisi et sur des situations réelles, sensibles, indécidables, que j'ai vraiment appris mon métier au fond. Et que je continue. Avec un enjeu essentiel alors, enfin un enjeu minimum : Primum non nocere. Comme les médecins.
Parce que choisir un métier du lien c'est toujours se débattre – intimement, chroniquement – avec des histoires d'emprise, d'abandon, de rejet, de pouvoir, de pulsionnalité... Et cela sous le signe des répétitions familières mais inconscientes. Oui, en séance et avec chaque client.
Des fois, dans le lieu où je reçois, j'aime bien m'arrêter un instant sur un détail, un objet. Ça me semble d'abord complètement étranger à mon monde mais, de fil en aiguille, je vois bien que ça m'est très proche. Une sorte d'arrière-monde.
Là, par exemple, plein de figures de lutte japonaise, le Sumo. C'est du combat mais ça me fait penser au Kamasutra aussi. Parce que quand les hommes se battent c'est homo-érotique aussi mine de rien. L'un n'empêche pas l'autre, au contraire. La bagarre est un alibi pour se rapprocher, se sentir, se toucher...
Les émissions en podcast pour moi, c'est tout un monde. Oui, ça me vient de l'adolescence – et sans doute de bien avant – même si à l'époque c'était pas du tout en réécoute à l'infini et sans vraiment de casque audio. J'avais bricolé un autoradio pour l'installer tout à côté de mon polochon, en stéréo quand même, et alors j'aimais beaucoup écouter Allô Macha, des dialogues intimistes et nocturnes avec quelques auditeurs choisis. Des gens « sans-sommeil » qui, de minuit à 2 h du mat', tentaient de confier à Macha Béranger un peu de leur mal de vivre et de leurs joies.
Il y avait aussi un aristo romantique, Gonzague Saint Bris, avec Ligne ouverte. Entre scandales et confidences, au cœur de la nuit, avec des cambrioleurs en direct, des fouilleurs de poubelles, des maniaques du nœud papillon, etc.
Écrire c'est tout un monde, une forme vivante et créatrice de notre espèce « fabulatrice ». Oui, pour nous raconter des histoires, nous penser, nous remettre en jeu...
Et si, à deux c'est encore mieux, alors imaginez quand c'est à trois, quatre et davantage ! Plus déroutant encore, confrontant, imprévisible, rhapsodique aussi...
Et donc, on a plongé en petit groupe dans cette expérience-là, pendant plusieurs mois et sur des questions insolubles : pourquoi on se détruit ou on se blockchain ? Pourquoi on préfère le chacun pour soi ou bien on fait bloc ? Comment on se met dans une bulle ou on se laisse capter ? etc
Google Photos synchronise, sauvegarde, je ne sais où dans un coin du cloud comme on dit maintenant, les photos de mon mobile et puis après ça il les examine, il les décortique. Sauf que des fois, il ne comprend pas trop le sens des choses. Oui, il y a pas mal de situations ou d'objets que j'ai voulu attraper à partir d'un angle particulier.
Et aussi des clichés de toi, dans des positions plutôt inhabituelles pour le commun. Ou tout simplement un greffier qui fait la sieste au soleil, les pattes en l'air. Le lapin blanc fait ça aussi, plus ou moins.