Une fois l'histoire de sa vie déposée là, une fois la nuit tombée, « c'est, dit-elle, de la faillite du corps et de la chair, de la dégringolade de l'âme, de l'effroi qui sourde au fond de moi, dont j'aimerais parler avec vous. »
Coach au talent vraiment singulier, elle a l'une des formes aiguës des troubles de l'attachement. Elle aime murmurer sa peine et puis elle lâche là, tout à trac : « Chaque séance me fait tant souffrir que j'ai parfois envie d'abandonner ce métier à jamais. »
« Et vous, ajoute-t-elle, ça vous prend aussi parfois cette mélancolie ? »
Sur le chemin de l'atelier, il y a aussi une galerie d'art dans laquelle j'aime parfois m'arrêter.
Et, en ce moment, s'exposent de drôles de bonshommes, un peu biscornus, un peu déglingués, qui semblent venus tout droit de l'enfance.
Parce que pour leur auteur, Jean-Claude TARDIVO, « les premières traces laissées par un enfant, inscrites en mémoire fondamentale, sont la genèse d'une démarche artistique en promesse d'exister. »
Et parce que ces traces-là nous suivent à jamais comme une douce lumière.
Un autre livre découvert avec bonheur sur le chemin de l'atelier. Un livre qui s'ouvre sous le souffle d'un ange et qui porte entre ses pages la douceur inouïe du murmure d'une femme à son enfant. Cette femme c'est Marie, simple jeune femme juive fiancée à Iosef…
"En ces jours de fin d'été, avant les noces, j'expose mon corps au soleil sur le toit au premier matin, sous prétexte de retourner les figues mises à sécher. Je découvre mon ventre pour que la lumière lui parvienne à travers moi. Je lui en parle : « C'est cette lumière qui t'attend au dehors. Elle ne sert pas seulement à voir loin, c'est aussi de la chaleur. Tu sens la vague qui nous recouvre tandis que nous sommes allongés ? Elle se nomme soleil. Mes yeux n'arrivent pas à le regarder, mais les tiens oui, protégés par l'eau de mon ventre. »" p. 38
Dernière séance.
- Ce que j'aimais partager d'intime là, avec vous…
- Oui Emma ?
- Cela, d'une séance à l'autre, vous sembliez prendre soin de l'oublier, de le laisser au passé !
- Oui.
- Je sais bien que c'était votre manière à vous d'être présent à ce qui était présent, à ce qui allait peut-être surgir de nouveau, d'incréé… mais… mais alors c'était comme m'oublier moi !
*
Roland Brunner et Eva Matesanz co-animeront un atelier avancé, inédit et dédié aux coachs :
Et je relaie avec bonheur l'invitation d'Eva pour ces deux journées.
C'est un film perché. Donc délicieux.
Ça se passe au Havre, au bord des docks et sur les toits, entre les galets et les falaises, entre la pluie et le soleil.
Lui, Dom, a un vélo qui déraille. Il est veilleur de nuit dans l'hôtel de la rue des amoureux. Elle, Fiona, est une fée rousse qui débarque là, affamée et pieds nus, un soir de pluie.
Elle et lui ne sont pas comme dans les magazines, ni maquillés ni fringants. Ça aussi, c'est délicieux. Et quand tous les deux dansent, le mambo ou le cha-cha-cha, au fond de la mer ou en rez de ciel, ils nous donnent aussi envie de danser.
Une fable moderne et déjantée, réservée aux magiciennes et aux poètes, aux amoureux et aux perchés.
« Le parti de l'art brut c'est celui qui s'oppose à celui du savoir, de ce que l'occident nomme (un peu bruyamment) sa "culture". C'est le parti de la table rase. Ses troupes ne sont porteuses d'aucun uniforme ; elles ne se vêtent pas de toges et d'hermines ni se parent de glorieux titres, elles ne se recrutent pas au sortir des écoles mais dans le rang du commun, elles sont la voix de l'homme du commun qui s'oppose à celle des savants spécialistes. Vagabonds, voyants entêtés soliloques, brandisseurs non de diplômes mais de bâtons et houlettes, ils sont les héros de l'art, les saints de l'art. » Jean Dubuffet pour l'exposition Art Brut à la Galerie Alphonse Chave de 1959.
L'art brut c'est « l'art des fous » et la Halle Saint-Pierre, à quelques pas de l'Atelier, est son musée. Alors j'aime aller me perdre là, parfois, au pied du Sacré-Cœur. En ce moment, une expo très underground, avec des artistes sans toges ni hermines qui nous mettent nez à nez avec nos pulsions, avouables et inavouables : "Hey ! Modern Art & Pop Culture".
C'était il y a un an. Un instant vidéo avec Stéphane autour d'une question toute personnelle et qui me tourmentait.
Adunaissant, déboussolé, j'aurais tellement aimé être guidé, accompagné, pour aller dans les jardins du monde, que je projette parfois à tout va mon manque et mon besoin d'autrefois : sur mes enfants qui quittent le nid et qui, bien heureusement, résistent à mes projets pour eux ; et sur les coachs, sortis de l'école et en chemin vers le monde…
Errances et confusion, histoires mêlées et sac de nœuds, flagrant délit de transfert !
Nabaltar, le soigneur de fauves, a les arbres ; Zeppo, le clown, les albums de photographies ; et Hésior, le magicien, les histoires de sang.
Et, entre eux, il y a Mira. Une femme de l'air. Faite pour s'envoler.
Au point de croix et de grâce, au fil de soie, Jeanne Benameur brode autour d'eux une histoire d'âme. L'histoire de l'amour et de la mort.
Ça se lit comme on marche en sous-bois, là où la terre est si tendre. Silencieuse. Là où rien ne gêne pour contempler.
Par dessus le grillage, mon voisin médecin me hèle :
- Dites, au fait, c'est quand le jour des monstres ?
- Le 6 octobre à l'atelier, lui dis-je, du tac au tac.
À son regard, je comprends mais un peu tard qu'il parle de la journée des encombrants !
Un atelier qui prend ses sources dans les chemins de traverse :
* Le combat thérapeutique, Gérard SALEM. Armand Colin. 2ème édition. Mai 2011
* Psychanalyse des passions en entreprise, Roland BRUNNER. Editions Eyrolles. Juillet 2009.
À fleur d'eau
les larmes du saule
*
La femme aux yeux de biche
cache au fond de son panier
deux trèfles à quatre feuilles
un poisson-chat et des flocons de neige
*
« Les hommes sont des abuseurs », lâche-t-elle quand, au clocher de l'école enfantine et maternelle, sonne le douzième coup de midi. Oui, à ma manière, moi aussi je l'ai abusée ; quand, la séance d'avant, j'ai parlé un instant de trop. Je l'empêchais d'exister alors.
J'ai adoré vider ma bibliothèque de tous les manuels techniques et pratiques qui font florès dans notre métier. Mais j'ai aussi aimé oublier un instant romans et poésies pour plonger dans un livre d'exception : Le combat thérapeutique ou L'art de guérir par le conflit.
Gérard Salem, psychiatre et psychothérapeute, bat en brèche ici tout le gentillet, la tolérance et la mansuétude, la bienveillance et l'empathie, qui certes angélisent et glamourisent les pros de la relation d'aide et, en même temps, peuvent "abrutir et anesthésier durablement" les patients trop patients.