« Dès son origine, l'anagramme fut un moyen d'interroger les noms mais aussi les préceptes des livres sacrés. La kabbale en fit grand usage, prêtant à cet art des vertus révélatrices. Le monde pouvait accoucher d'un démon. Aux XVIe et XVIIe siècles, ce jeu savant s'immisça dans les cours d'Europe. Entre gens lettrés et courtois, il était de bon ton de trouver dans un nom propre une flatterie délicate ou une maligne satire.
Thomas Billon, gentilhomme provençal, fut un fameux anagrammatiste. Il eut de Louis XIII une pension de douze cent livres pour amuser la Cour. Sa glore dura sans échec jusqu'à ce que le poète Colletet y vînt porter atteinte par une moquerie, tenant "que tous ces renverseurs de noms ont la cervelle renversée". Hélas la sienne était bien trop d'aplomb ; l'histoire l'oublia.
Galilée, quant à lui, communiquait sous forme d'anagrammes certaines de ses découvertes ; c'était là un moyen de s'assurer la priorité de ses observations tout en les entourant de mystère. Enfin, la coutume s'établit, pour les écrivains et les artistes, de signer leurs œuvres par l'anagramme de leur nom.
Alors, l'anagramme ? Art divinatoire ? Art du compliment ? de la satire ? du secret ? En tout cas, une fiole de folie, c'est certain. »
C'est la préface d'un petit livre délicieux, écrit par un physicien et un jazzman, découvert ce week end chez la marchande : Anagrammes renversantes ou Le sens caché du monde, Étienne Klein et Jacques Perry-Salkow.
Comme un voyage à travers les sciences, l'histoire et les arts…
J'ai reçu il y a quelques semaines un courrier de Mathilde, une femme qui a été accompagnée en coaching professionnel. Et, en même temps, et en coulisses, s'est tissé avec son coach un lien d'attachement singulier. Le coaching fini, le contact s'est coupé, elle partage alors dans ses lignes sa souffrance et "l'impression d'abandon". Pour tenter de comprendre, elle m'interroge sur le cadre et les pratiques du peuple coach.
J'ai évoqué les jeux transférentiels qui se jouent de part et d'autre et qui, pour moi, sont aussi la matière du "coaching professionnel".
Je publie ici, avec son accord, la lettre de Mathilde. J'ai changé le prénom et des éléments de contexte.
Et vous, qu'auriez-vous envie de répondre ?
Après bientôt trois années de travail en bord de ciel et d'abysse, elle est repue de nos séances et de moi. Elle en a marre aussi de tous ces coachs, de tous ces psys, qui supervisent et qui crânent dans les écoles et les fédés, dans les "grands livres" et sur le web.
Alors, plutôt que gémir et maudire, ici et à l'entour, encore et à jamais, j'aime l'inviter à danser avec son désir :
- Et si demain, pour vous accompagner, cet autre n'était ni coach ni psy ?
Belle et glamour, sage comme un ange, elle se laisse bercer comme un bébé dans le ventre du métro. Et au fond d'elle, et dans ses mains, le vice versa : "Cuisine sanglante". Noir extrême et couteau de boucher sur la première de couverture de son livre du moment.
*
« Ma vie est un échec » lâche-t-il soudain. Et moi, ce matin, je n'ai pas envie de mélancolie. « Ça prendra cinq minutes » ajoute-t-il, comme s'il avait entendu mes pensées secrètes. Et puis il plonge, longtemps, longtemps, dans les coulisses et les abysses de sa vie. Sa vie d'avant et d'aujourd'hui.
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Le blog fait peau neuve. Toujours aux couleurs du jardin, parce que c'est l'école du vivant la plus féconde : pour regarder pousser les herbes sauvages, s'allonger dans la mousse veloutée, écouter le murmure des étoiles, faire des cabrioles dans la rosée…
Et, de la blogosphère au mammifère, de nouvelles créations en cette saison rousse…
Il y a un an, à cet instant du jour, un ange ami me tirait par la manche du côté de la vie.
Et, depuis, les instants d'âme qui s'écoulent dans mon sablier ont de plus en plus souvent la saveur du fragile et du tendre.
Quand dans son codir, du financier ou du DRH, une question fuse vers elle, inattendue, percutante, alors elle retombe en enfance, démunie. Parfois elle agresse, elle attaque, mais finalement elle se fait mal au fond d'elle, dans l'instant et après.
« Alors ?! » me demande-t-elle, une fois déchiffrés les tatouages secrets sur sa peau, une fois retrouvée la mémoire des blessures refoulées.
« Et alors !! » insiste-t-elle, impatiente.
Papier de soie plié sur le vélin de velours, ruban d'or entre les doigts de la marchande de livres, j'ai aimé m'offrir cet autre livre de Christian Bobin : Un assassin blanc comme neige.
C'est un livre sans histoires. Juste des instants d'âme, lumineux et éphémères. Des minutes vagabondes.
Un merle qui file entre le rosier de bois noir ; la pluie qui joue au clavecin ; une femme d'affaires qui se défait enfin du chic et du lisse ; un lièvre soûlé par le parfum de la menthe au paradis… "L'ivresse de goûter à une vie dont chaque instant est sans modèle."
Tour à tour, avec ravissement et mélancolie, Dieu, la mort assassine, Bach, Matisse, les saints se faufilent entre les lignes. Mais celui qui dialogue avec les anges nous prévient : "Je parle si souvent de Dieu qu'on va finir par croire que je le connais."
Le blog de l'Art-de-Changer fera bientôt peau neuve, avec un jardin plein d'herbes rares et sauvages, de mousse et d'humus, grand ouvert aux tabous et aux démons du peuple coach, aux artisans de l'accompagnement sans habit d'ange ni robe de bure.
En attendant, et parce que c'est vraiment un délice de voyager avec un psy, entre névroses et psychoses, sur les questions de vie, d'amour et de mort, il reste une place à l'atelier avancé et décalé : Quand pathos s'invite en coaching.
Une journée co-animée par Roland Brunner et Eva Matesanz :
vendredi 4 novembre, à un vol de colombe des gargouilles et des chimères de Notre-Dame.
Je suis simplement parfaite. Ce sont les mots écrits en lettres d'or sur son T-shirt noir. Elle hésite, elle attend là, sous le porche d'une institution spécialisée et réputée du peuple coach.
Cette coach-là devrait plutôt venir à l'atelier Coacher avec ses démons.
Plaisir d'animer avec Eva une nouvelle édition de cette journée qui fait fureur. Ce sera en bord de ciel, à l'orée de l'hiver et quelques cabrioles plus osées encore dans les sources vives qui nous inspirent :
* Le combat thérapeutique, Gérard SALEM. Armand Colin. 2ème édition. Mai 2011
* Psychanalyse des passions en entreprise, Roland BRUNNER. Editions Eyrolles. Juillet 2009.
Une fois l'histoire de sa vie déposée là, une fois la nuit tombée, « c'est, dit-elle, de la faillite du corps et de la chair, de la dégringolade de l'âme, de l'effroi qui sourde au fond de moi, dont j'aimerais parler avec vous. »
Coach au talent vraiment singulier, elle a l'une des formes aiguës des troubles de l'attachement. Elle aime murmurer sa peine et puis elle lâche là, tout à trac : « Chaque séance me fait tant souffrir que j'ai parfois envie d'abandonner ce métier à jamais. »
« Et vous, ajoute-t-elle, ça vous prend aussi parfois cette mélancolie ? »
Sur le chemin de l'atelier, il y a aussi une galerie d'art dans laquelle j'aime parfois m'arrêter.
Et, en ce moment, s'exposent de drôles de bonshommes, un peu biscornus, un peu déglingués, qui semblent venus tout droit de l'enfance.
Parce que pour leur auteur, Jean-Claude TARDIVO, « les premières traces laissées par un enfant, inscrites en mémoire fondamentale, sont la genèse d'une démarche artistique en promesse d'exister. »
Et parce que ces traces-là nous suivent à jamais comme une douce lumière.
Un autre livre découvert avec bonheur sur le chemin de l'atelier. Un livre qui s'ouvre sous le souffle d'un ange et qui porte entre ses pages la douceur inouïe du murmure d'une femme à son enfant. Cette femme c'est Marie, simple jeune femme juive fiancée à Iosef…
"En ces jours de fin d'été, avant les noces, j'expose mon corps au soleil sur le toit au premier matin, sous prétexte de retourner les figues mises à sécher. Je découvre mon ventre pour que la lumière lui parvienne à travers moi. Je lui en parle : « C'est cette lumière qui t'attend au dehors. Elle ne sert pas seulement à voir loin, c'est aussi de la chaleur. Tu sens la vague qui nous recouvre tandis que nous sommes allongés ? Elle se nomme soleil. Mes yeux n'arrivent pas à le regarder, mais les tiens oui, protégés par l'eau de mon ventre. »" p. 38