Par les temps qui courent, c'est vraiment peu de le dire, le monde et toute la vie qui va avec – la vie en soi, la vie intime – sont mis à mal et sens dessus dessous. Bien chaotiques toujours. Et tout ça, sans forcément de perspectives d'un monde « meilleur ».
Alors, nous faut-il développer de nouvelles affinités avec le chaos et l'indécidable ? Trouver des sortes de refuge ou des échappatoires ? Ou bien faire une sorte de « reset » au fond ?
Peinture, papier de verre, tiges filetées, etc, je venais de faire pas mal d'emplettes chez Bricoman. C'est pour un volet en bois qui a fini par s'effondrer et – ça n'a pas trop de rapport – mais j'ai eu soudain une envie folle de chocolat noir.
Oui, c'est fou parce que je n'arrive pas à comprendre ma fixation sur cette substance-là et ce côté irrépressible. Comme une addiction depuis quelques temps. Trois ou quatre carrés après chaque repas. Un naturopathe m'a proposé d'essayer le chocolat pur. C'est sans sucre, m'a-t-il dit, et on en trouve dans les magasins bio ou vegan.
« À un moment donné, j'ai rejoint une équipe sans histoire. Je veux dire qu'on n'avait pas de liens entre nous, on ne se connaissait pas d'avant. C'était en plein confinement, on avait juste Zoom pour travailler ensemble. Et donc, il y avait une femme avec une voix très rauque. J'ai aussitôt pensé à une fumeuse. De longue date sans doute. Même si, bien sûr, il n'y avait pas les odeurs à distance. »
C'était l'autre jour, dans « Les dossiers de l'écran », un atelier intimiste et en libre parole pour déplier les histoires qu'on se raconte dans le travail sans contact, à distance. Je ne sais pas ce que ça renvoyait cet univers du fumeur pour celle qui parlait ici. Ce n'était pas utile de savoir, c'était déjà beaucoup de mettre au jour ce genre de projections. Et puis elle a continué.
Notre corps est le lieu de plein d'excitations permanentes qui viennent tout à la fois de nous-mêmes – oui, de nos besoins corporels, de nos fantasmes, de nos désirs et de nos frustrations intimes – et aussi des sollicitations extérieures. C'est notre énergie vitale qui s'exprime ici, et notre libido aussi mine de rien.
Et chacun de nous a sa manière singulière de réguler tout ça. En continu ou bien par à-coups : retenir, différer, décharger, « sublimer » ...
Et les télé-réunions ont un effet très particulier sur tout notre corps pulsionnel.
Parce que la présence des autres, en chair et en os, contribue tout à la fois à nous exciter et à nous calmer. Ça dépend de chacun, de notre relation aux autres et de notre histoire intime là aussi. Le télétravail a donc un impact sur nous, dans un sens et dans l'autre (charge/décharge). Et ça bouleverse nos équilibres installés par ailleurs. Ça les met en relief aussi...
Je ne sais pas pour vous, mais par les temps qui courent et avec tout le travail « sans contact », de plus en plus, c'est essentiel de retrouver le temps du lien. Oui, des liens choisis, intimes, créatifs...
Ce sera le thème d'un atelier singulier que j'animerai pour La Fabrique RH ce vendredi, 5 février, à 11h00 :
Les dossiers de l'écran :
les nourritures psycho-affectives du télé-réunioneur.
Un atelier organisé par l'ETAP, le 1er espace de coworking dédié aux agents de la fonction publique, et ouvert à tous ici.
C'était un jour de l'été, j'avais loué chez InVivo Jardins & Loisirs une broyeuse ou un broyeur – je ne savais pas encore si c'était masculin ou féminin – bref, une machine à broyer les déchets verts. Oui, parce qu'au fil des années tous les branchages, les herbes et le compost commençaient à faire comme une colline au fond du jardin. En plus, avec le coup d'arrêt imposé à toute l'espèce humaine par le virus, le printemps avait été vraiment glorieux. Et donc de grosses branches de pruniers et de pommiers, lourdes de leurs fruits juteux, avaient ployé au fil de l'été et fini par casser. J'avais tronçonné le plus gros et ajouté à la colline les feuilles, les branchages et aussi les fruits piqués par les guêpes et plus ou moins macérés. Ça faisait de la confiture au soleil.
Il y avait aussi là-dedans des morceaux du vieux noyer qu'une tempête avait fracassé en son milieu il y deux ans.
Il y a quelques semaines c'était plein de tournesols dans les champs tout autour d'ici et maintenant c'est déjà du blé.
Il n'y a pas d'entre-eux, ça reste intensif et c'est un peu comme les gens souvent. Oui, ils passent du monde d'avant à celui d'après comme on dit, mais sans trop savoir ce qu'ils veulent au fond.
Alors ils répètent plus ou moins une histoire sans fin et tout ça derrière les masques et les apparences du changement.
Toutes ces journées, toutes ces semaines confinées, ça nous a bien chamboulé mine de rien. Oui, ça a bouleversé et mis à mal nos manières de penser, de faire et d'être. Dans notre métier et dans la vie de tous les jours. Quoiqu'on en dise.
Et ça a empêché et frustré bien des élans. Mais esquissé d'autres pistes aussi.
Alors c'est bien de prendre un peu de temps pour poser tout ça, déplier ce qui peut l'être et ainsi tracer d'autres chemins. Pour soi et dans son métier.
– J'aimerais tellement que mon chien me parle.
C'est la maîtresse de Bandit qui à un moment donné nous lance ça.
Son chien c'est un Jack Russell. Comme dans The Mask. Et je lui ai dit ça juste avant. Oui, j'avais envie de l'embrasser sur la truffe son chien et c'est à ce moment-là, quand j'ai vu de près sa tâche sur la tête, que j'ai pensé à ce film.
– Ne serait-ce qu'une heure, elle ajoute toujours dans son histoire avec son chien visiblement. Tout ça parce le Jack Russell se met à parler dans The Mask. Enfin quand il met le masque.
Toi et moi on est là devant elle. Il y a aussi Snow, ton loulou de Poméranie qui danse en liberté autour de nous. Et on se croise souvent comme ça tous les cinq, au milieu de la balade du soir. Oui, devant le champ des moutons, rue de la Justice. Et alors on se parle un instant de tout et de rien, comme on dit. C'est-à-dire de n'importe quoi.
Ça faisait un moment que j'avais beaucoup de mal à passer les vitesses dans la Simca. De plus en plus. La seconde ça allait encore, mais impossible pour la marche arrière. Et chaque fois que je l'emmène avec moi dans cette voiture-là, Eva me dit que ma manière de la conduire, c'est un peu comme avec elle. C'est curieux ce lien qu'elle fait, mais c'est vrai qu'il faut pas mal de tact.
Ça, c'est quand tout marche bien, mais là ça craquait. C'était stressant, je craignais de casser un engrenage à vouloir passer en force. Ça doit être un problème d'embrayage, je me suis dit, et je pourrais peut-être le régler. Pas forcément pour faire mon malin dans mon coin, mais pour aller jusqu'à Véron chez le garagiste qui la connaît bien.
J'ai imaginé que c'était un câble qui se détendait alors que, plus tard, je découvrirai que non, pas du tout, que c'était tout un « circuit hydrologique » avec un bocal d'huile et des maîtres cylindre.
Les gens, leurs émotions c'est comme s'ils voulaient plus ou moins les geler ou les gérer. Surtout en entreprise. Et les coachs qui suivent le mouvement aussi. Oui, ils les coupent en quatre, ils disent qu'il y a la colère, la tristesse, la joie ou la peur. Ils les classent comme ça, en positif ou négatif, même s'ils sentent bien que c'est tout et son contraire à chaque instant. Et que c'est plus compliqué et plus extrême parfois. Avec par exemple la rage, la détresse ou l'angoisse au fond.
C'était à la Cegos, la décennie juste avant de changer de siècle, et c'était tout un monde. Ou plutôt deux mondes : le conseil et la formation, l'inter et l'intra-entreprise, le management et l'organisation, les compétences dures ou « molles » (sic)... Oui, ces mondes-là étaient séparés en « divisions », Jean-Louis Muller d'un côté et moi de l'autre mais ça n'empêchait pas de nous côtoyer. De proche en proche. Surtout quand on s'est retrouvés chez un médecin et thérapeute familial, enfin pas forcément pour nos histoires d'enfance – même si ça explique pas mal de choses dans la vie –, mais pour nous initier à l'analyse systémique. Après ça, Jean-Louis a écrit un bouquin vraiment bien avec François Balta, le psychiatre et thérapeute systémique (*). Et moi, un article dans Générations, la revue de la Société Française de Thérapie Familiale.
Bref, aujourd'hui on est voisins, à la campagne et à la ville. Alors quand Jean-Louis nous a invité Eva et moi, à préfacer son nouvel ouvrage, j'ai pris mon bloc-notes, Eva son iPad, et on a écrit chacun dans notre monde, plus ou moins. Sauf que Jean-Louis imaginait quelque chose de plus « entrelacé ». Et alors on a aimé faire ça, bricoler ensemble nos différentes formes d'intelligence
Ça s'appelle « Nos sept formes d'intelligence » et ça vient de paraître chez Jouvence – ce nom-là me fait penser à l'enfance aussi – et c'est avec plein de tests, d'exemples et de conseils pratiques.
Je ne sais pas pour vous mais moi, l'autre soir, on regardait un thriller avec Eva et avec plein de suspens. Un polar français vraiment bien fait, mais je sentais bien aussi que j'avais le ventre qui se nouait, et plein de sueurs froides. Littéralement. Et c'est au moment le plus insoutenable que la Wi-Fi a soudain sauté. On a attendu un peu. Le film c'est La proie, une longue traque avec Albert Dupontel, Alice Taglioni et Sergi López, l'acteur qui jouait Un ami qui vous veut du bien. J'ai essayé de redémarrer la box mais plus rien. Il restait quinze minutes de film.