Happy Days ! C'est un cycle d'Analyse de Pratiques professionnelles animées en duo et à la campagne. Oui, trois journées en groupe apprenant, pour animer vos groupes plus au naturel.
L'analyse de pratiques réunit des professionnels qui font un métier avec une forte composante relationnelle (manager, coach, consultant…) et qui détiennent alors un savoir-faire issu de l'expérience : singulier, subjectif et toujours prêt à se déconstruire et se reconstruire au fil du temps et dans les situations critiques.
Il y avait une soirée jeudi dernier pour en finir avec le coaching. Cette idée d'en finir, c'est l'ouvrage collectif écrit par les 23 étudiants du master coaching à Paris II après leur année universitaire 2015-16 : Pour en finir avec le coaching ? Tel qu'on le pratique aujourd'hui. L'ouvrage est paru chez L'Harmattan en décembre et les auteurs organisaient une soirée de lancement chez l'éditeur.
Et il y avait une table ronde à laquelle j'étais invité, avec Thierry Chavel, le directeur du master. Moi, pour savoir à quoi m'attendre et ne pas trop dérailler, j'avais demandé les questions un peu avant.
Mes notes ici en partage.
Depuis quelques semaines, je casse la vaisselle. Oui, un verre à pied ou à mojito, la cloche à fromages, une tasse à thé… Visiblement, c'est parce que je fais plein de gestes maladroits. De plus en plus souvent. Surtout quand je fais la vaisselle. Bien sûr, il y a cette histoire de l'enfance, au petit matin, petit-déjeuner – lait au chocolat, pain beurré et encore des traces de rêve dans la tête sans doute. « Fais attention, tu vas renverser ton bol ! » me disait ma mère. Ça me stressait, c'était comme une prophétie auto-réalisante et donc, zouuu, patatras, la tasse toupillait et voleplanait jusqu'au sol. En mille morceaux. Mais c'est pas forcément ça, là. Non, c'est pas si simple.
– Tu as remarqué que c'est toujours des choses qui vont de pair ? me dit Eva.
C'est elle qui a acheté ces objets-là, des « coups de cœur » comme on dit, alors forcément elle s'agace et je peux comprendre. Ça me dépite moi aussi. Mais, non, je n'avais pas encore remarqué. Et, oui, c'est vrai, je brise ce qui va ensemble. Sauf la cloche à fromages, il n'y en avait pas deux comme ça. Alors j'essaie de racheter chaque pièce brisée, comme pour me racheter peut-être, mais c'est compliqué de retrouver l'origine des choses. Et donc tout devient dépareillé dans la cuisine.
– C'est parce que tu veux encore séparer ou casser le couple, ajoute Eva.
L'autre jour, l'atelier sur les rituels du coaching – casting, shopping, préliminaires… –, c'était vraiment bien, c'était en petit groupe et avec une question-clé : Être ou ne pas être choisi.e ?
Et c'est surtout la peur d'être rejeté qui d'emblée a surgi dans cet atelier-là.
Alors je continue sur ce fil du désir en peuple coach, et en conseil aussi, mais en allant du côté des antipodes. Oui, quand un autre – prescripteur potentiel, prospect ou ex-client –, vous choisit pour faire de vous « son objet » mine de rien.
Il jette son dévolu sur vous, vous invite à partager sans chichi, prendre un petit café, un petit-déjeuner ou un déjeuner d'affaire, etc. Au moment de payer, vous ne savez pas trop qui va prendre l'addition. Sans doute parce que vous y trouvez votre compte aussi. Plus ou moins. Et de rencontre en rencontre, tout ça peut devenir rituel. Sans plus de chichi ni de cadre donc.
Un des rituels du coaching d'entreprise, c'est la réunion tripartite. Au début du parcours, pour les objectifs, le contrat, et puis tout à la fin pour faire le bilan, donner du feedback, évaluer… Et c'est essentiel, je trouve, de questionner ce rituel-là : Quelle place je prends dans ces réunions-triangle ? À quelle place me fantasme le client ? Et pour quoi je donne du feedback ? Et si ce n'était que mes projections tout ça ? … ?
Quelques lignes ici sur la fin du coaching de Sylvia, la femme qui avait peur d'avoir le syndrome de Stockholm et puis le besoin d'un bébé.
J'étais dans un motel et il y avait un chat gris l'autre nuit, dans mon rêve. C'était un très gros chat. Il y avait aussi beaucoup d'autres choses, mais sans savoir encore pourquoi, c'est surtout ce chat-là, je me suis dit, dont il faudrait que je me souvienne, le soir, sur le divan.
C'était plutôt une chatte d'ailleurs. Oui, une femelle parce qu'avec son gros ventre je voyais bien qu'elle était enceinte. Donc je raconte ce morceau-là du rêve à ma psy et elle me demande à quoi ça m'a fait penser. Au chat gris à la campagne, je lui réponds, parce que j'y avais repensé dans la journée. Ce chat-là je l'appelle « Jackson le gris ». Pour Eva c'est plutôt « Gris Gris » mais moi, tous les greffiers étrangers, je les appelle Jackson et puis j'ajoute la couleur de leur pelage pour les différencier. Même Héros, qui est le chat persan d'Eva, je l'appelle « Jackson le roux ».
Bref. On avait fini par adopter ce chat gris, et lui aussi nous avait adopté. Il aimait passer la chatière, dans un sens comme dans l'autre, et dormir dans la cuisine. Mais il était mal en point ces derniers temps. Il pleurait beaucoup, du nez, des yeux. Et puis un jour de l'automne, et tous les jours d'après, je ne l'ai pas revu. Il est mort, il avait le coryza, m'a dit la femme d'à-côté, qui se dit « happycultrice » et qui s'en occupait aussi. C'était un mâle donc, pas une femelle comme dans mon rêve.
Oui, ça cache sans doute autre chose, dit ma psy. Surtout que vous avez dit « enceinte », elle ajoute, alors que c'est rare de dire ça d'un animal. Là, elle avance à pas de velours ma psy, on dirait. Elle a peut-être son idée.
Vous vous demandez peut-être ce qu'a fait Sylvia finalement après le « casting » ? Oui, la femme qui avait peur d'avoir le syndrome de Stockholm, enfin d'être amoureuse du boss qui la sadisait plus ou moins. Et bien, finalement, elle a décidé que je l'accompagne. Je ne sais pas trop pourquoi, c'était l'époque où je ne cherchais plus à décortiquer les jeux de transfert. À trop vouloir faire ça, je voyais bien que ces jeux-là se figeaient. Et donc on a commencé. Une, deux, trois séances. La question du harcèlement est restée présente un bon moment mais elle en cachait une autre, inattendue. Ou peut-être sous une autre forme. Plus intime...
Donc, vous avez vu, j'ouvre un cycle d'ateliers sur les us et coutumes du coaching : shopping, préliminaires, contrat, réunions tripartites… tous ces rituels institués, pratiqués comme des évidences, mais pas vraiment questionnés. Et à haute tension pourtant.
Ça commence le jeudi 21 février, à l'Atelier, et ce sera sur les questions au cœur du casting. Oui, ce moment où le client choisit « son » coach : qu'est-ce qui nous encombre et qui est agissant ici ? Quel cadre poser ? Comment être à l'écoute de son désir d'accompagner ? Mais pas à tout prix ? … ?
Et pour ça, j'ai un peu plongé dans mes souvenirs et j'ai retrouvé cette histoire-là, autour de la question du « syndrome de Stockholm ». Première rencontre donc, mais comme une séance pour moi.
Casting ou rencontre préliminaire, shopping ou entretien exploratoire, mercato ou tournée des popotes... autant d'appellations incontrôlées pour ce rituel tout aussi incontrôlable, ce moment où le client choisit « son coach ». Parmi deux ou davantage.
Oui, un moment forcément incontrôlable parce que du côté du client, son imaginaire, ses émois et ses élans jouent à plein : l'attirance, l'ambivalence, le pouvoir de comparer et confronter, de séduire ou rejeter…
Et puis, côté coach, ce moment-là fait plein d'histoires aussi. Des histoires familières, plus ou moins oubliées mais tellement agissantes alors : le besoin de démontrer ou de se montrer ; le désir d'être choisi ou de se saboter ; de gagner contre un autre (un confrère connu ou un rival fantasmé) ; et la perspective d'une affaire, d'un budget conséquent, d'une nouvelle référence ou d'une première…
Tout ça se mélange de part et d'autre et embarque le coach, s'il est choisi, dans une histoire pleine de quiproquos et qui ne se démêlera jamais vraiment. Qui, au contraire, s'amplifiera.
Et ces jeux-là existent aussi en coaching de particuliers. Oui, à l'initiative du client qui « fait son marché », mais pas toujours explicitement. Avec alors des positions et des effets « bizarres », pendant la séance et puis après.
C'est le titre de l'ouvrage écrit par ROUGE DÉSIR, la promo des vingt-trois étudiants du master coaching à Paris II, pendant l'année universitaire 2015-16. Et ce livre vient de paraître chez L'Harmattan. « Pour en finir » donc, mais avec un point d'interrogation et puis un sous-titre : Tel qu'on le pratique aujourd'hui. Chaque étudiant parle ici de son cheminement personnel au cours de cette année-là ou bien de son approche singulière pour accompagner. De toute façon, tout ça s'entremêle au fond. Oui, plus ou moins consciemment. Et comme j'accompagnais le groupe en supervision, du début à la fin du master, ils m'ont sollicité pour une contribution dans les coulisses, sur les coulisses de cette fabrique du désir.
Quelques lignes très personnelles donc. Au beau milieu de l'ouvrage et comme « une pause-café » disent-ils.
Ça commençait bien pourtant. C'était cet été. J'étais enfermé dans un ancien couvent transformé en centre de méditation. Et deux experts de la pleine conscience m'avait attrapé pour me passer à la question ou à tabac. Oui, à cause de mes pratiques et aussi de mes cours à la fac pour les coachs. Tout ça parce que c'est trop tourné vers l'inconscient et les pulsions. Ça encourage selon eux les plus bas instincts chez les humains que j'accompagne.
Et donc, pendant l'interrogatoire, j'évoquais des morceaux de mon roman familial et je tricotais ça avec des histoires de coach. Pour essayer d'illustrer les répétitions inconscientes, le destin des pulsions.
Mais, à un moment donné, j'ai commencé à patauger. Oui, après vingt-quatre heures sous observation, les deux experts devaient décider s'ils me passaient à l'EMDR ou aux électrochocs. Ils appelent ça la convulsivothérapie. C'est pour effacer les affects dans les souvenirs traumatiques. Et mieux vivre ainsi.
Et c'est pour ça que j'ai calé, je pense. Je me suis perdu dans la peau de mon personnage. Oui, comment vivre sans la trace de ses souvenirs, je me demandais.
Alors, j'ai mis tout ça de côté. Pendant un ou deux mois. Mais, depuis plusieurs jours, je ne sais ni comment ni pourquoi, j'ai trouvé une nouvelle trame. Plus naturelle. Sans fiction. Ça s'appelle « Les dessous du coaching ». Et ça tisse ensemble de simples scènes de la vie quotidienne avec des vraies brèves de coaching et des instants sur le divan. Au fil des lettres de l'alphabet.
Et, là, un extrait en primeur.
Il y avait un mouton tout seul au milieu du champ. Une brebis égarée comme on dit. Et la nuit était en train de tomber. Snow, ton loulou de Poméranie, a voulu faire comme les chiens du berger. Aboyer, courir après la bête pour la ramener je ne sais où. Mais tout s'est retourné, la brebis a chargé ton chien et puis elle a pris le sentier creux vers la forêt. Au petit trot.
La nuit était déjà dans le bois et j'étais un peu inquiet pour l'animal. Je préviendrai le berger tout à l'heure, je me suis dit, et puis j'ai continué sur le chemin entre les champs. Snow a voulu jouer à la bagarre avec moi. Pour se défouler peut-être après son histoire avec la brebis. J'ai cherché, j'ai trouvé un bâton bien fait pour ça. Attaque ! je lui ai dit comme si j'étais dresseur de loulous. Elle s'est bien accroché à la branche que je tenais, grognant comme jamais, ne lâchant rien, même suspendue en l'air.
Je descendais la rue Fontaine et il y avait une femme sur le trottoir avec une grosse paire de ciseaux. Là, j'aurais dû avoir peur. Surtout dans ce coin-là de la rue qui est plutôt louche avec des vendeurs de shit sous les porches. Mais non, au contraire. Parce que cette femme-là essayait de se cacher. Alors j'ai ralenti le pas et je l'ai regardée par en-dessous. C'est là que j'ai vu qu'elle avait aussi un gros rouleau de scotch dans l'autre main. Du scotch noir. Elle était juste devant une SMART. De couleur noir aussi. Et soudain elle s'est baissée.