« Par les temps qui courent chacun de nous a beau jeu de s’insurger contre la sauvagerie et la violence des hommes au-dehors et à l'entour. Mais la violence et la barbarie sont en chacun de nous aussi. […] Libres associations sans censure ni morale, voyages en enfance et reviviscences alors, sur divan ou canapé, pour prendre soin de détricoter ce qui nous torture et nous enferme au fond, ce qui se répète à notre insu et qui vient de loin parfois. »
C'est ainsi que j'aimais évoquer l'histoire d'un accompagnement dans une banque et sous le signe du "harcèlement inversé" : Humaine nature.
Ces violences, à l'endroit ou à l'envers, et bien d'autres encore étaient devenues ma spécialité dans cette banque-là ; alors quand la DRH m'a sollicité pour un "nouveau cas", épineux et bien entremêlé avec un autre, j'ai aimé passer le relais à Eva.
Eva qui, pour accompagner ne s'embarrasse pas de tous les détours du coaching (ses rites et ses raccourcis, ses facilités et ses vérités) et qui aime prendre le temps, là sur son blog, de faire le récit tout à la fois de ce passage entre nous ("transfert du transfert", toujours si sensible) et de ce "cas"-là.
Récit intime et subjectif « … parce qu'il n’y a que par le récit que nous pouvons rendre compte, nous approcher, du vivant de nos séances. Tout sauf un acte clinique au sens d’un savoir doctoral. Clinique au sens du au chevet de celui, singulier, qui nous confie, vulnérable, tout ce qu’il contient à peine. Et dont nous ne saurons rien. Simples passeurs. » écrit-elle.
Je n'avais jamais écrit comme ça. Enfin, je veux dire, sur le fil des associations libres. Vraiment.
Ça, je le réservais au divan. Alors quand cette histoire-là était finie (même si c'est jamais vraiment fini, au fond), je me suis dit si j'en fais une note de blog, ça va encore faire déguerpir plein d'abonnés. (Surtout que, maintenant, il y a des DRH qui s'abonnent à ma newsletter.)
Fais une intro pour faire passer la pilule, je me suis dit. Sur l'obsolescence programmée ou le transhumanisme par exemple, sur les applis mobile ou les jeux de transfert, sur le trauma ou le besoin de magie, comme dans l'enfance…
Mais là c'est l'été et j'ai pas réussi.
*
Ce mot frérocité c'est à la radio que je l'ai entendu la première fois. J'étais sur une petite route de campagne, dans ma vieille voiture, – Il faut que je retienne ce mot-là, je me suis dit – je n'avais rien pour écrire mais j'avais noté que c'était la combinaison de deux mots ; une combinaison inventée par Lacan.
Plus tard, j'ai voulu retrouver ce mot qui m'avait tant accroché ; j'ai recherché l'émission, j'ai googlisé, j'ai essayé plein de combinaisons, comme sur un cadenas à combinaison. En vain. Alors j'ai fini par oublier ce que j'avais oublié.
Frère, férocité ! Je ne sais pas comment ni pourquoi, un jour, les deux mots me sont revenus. Et la combinaison avec.
Enfin, si, je crois savoir pourquoi c'est revenu soudain. Depuis quelques temps, sur le divan et dans mes rêves, je découvrais une grosse part de ce que j'avais enfoui jusqu'alors : ma rivalité avec mes frères, la jalousie infantile et cachée.
On était une famille nombreuse (cinq enfants et moi au beau milieu de tout ça) ; ma mère était nourrice agréée et pour moi ça a corsé l'affaire au fond. Et c'est pour ça que la découverte de cette part-là en moi agitait plein de défenses : dénégation, parties de catch avec ma psy, verrouillage de ma mémoire… Mais l'inconscient était lâché ; irrépressiblement !
Ainsi, en même temps, une nouvelle création personnelle me procurait un plaisir jubilatoire, infantile et irrépressible aussi : Le GorafiCoach, ces micro-fictions où j'épingle les us et coutumes du peuple coach, de mes confrères qui tiennent à distance la psychanalyse. Comme si la rivalité était créatrice pour moi.
Et puis, il y a aussi la supervision de ceux que j'accompagne : elle fait resurgir en moi des élans complices ou bagarreurs souvent.
Alors j'ai voulu en savoir plus. Et de fil en aiguille, j'ai trouvé un livre de J.-B. PONTALIS : "Frère du précédent".
– Et vous vous êtes réveillé alors ? elle me demande.
– Oui, je vous l'ai dit, je lui dis.
– Alors c'est un cauchemar ! elle ajoute.
Ah, d'accord ! je me dis ; et c'est aussi la réponse à une question de la séance d'avant, quand j'évoquais le rêve de Chloé – cette jeune femme que j'accompagne et qui tue sa mère et ses sœurs et puis après se fait tabasser par sa boss en Twingo – pour lui demander si c'était vraiment un cauchemar ça ? Car comédie romantique ou film d'horreur, si le rêve c'est toutes nos pulsions refoulées, qu'est-ce qui fait la différence au fond ? Mais ma psy ne m'avait pas répondu.
Et moi, là, le rêve que je viens de lui raconter, c'est une histoire de meurtre aussi. Des meurtres en série et au couteau. Et puis un suicide après. Ça commence avec un homme qui égorge des curés. Et ça se passe dans le désert. Je sais que ce sont des curés parce qu'ils sont en soutane. Mais l'égorgeur est de la même race que les curés et c'est bizarre, je trouve, qu'il les tue, un par un.
Moi, je suis le dernier du groupe à devoir y passer mais je sens bien au fond que l'homme ne pourra pas m'avoir. Parce que je sais que je peux marchander, négocier avec lui. Alors je commence à lui parler, à parlementer. Et ça marche bien sûr. Alors, lui et moi on se retrouve dans un grand bâtiment administratif, genre mairie. Il se laisse faire et je réussi à le pousser au suicide ! Il se jette du haut d'un grand escalier de marbre. Mais la première volée de marches ne suffit pas, alors je lui dis de recommencer et il tombe encore et il s'écrase enfin tout en bas de l'escalier. Mais, à ce moment-là, un autre homme mystérieux surgit et me demande pourquoi je fais ça ? Hein, pourquoi ?!
Et c'est là que je me suis réveillé.
C'était un soir de mai, Eva & moi avons eu l'envie d'inviter ceux et celles qui, au plus près, au long cours, nous fréquentent et puis celles et ceux qui cherchent bien autre chose que tout le surgelé ou les conserves en coaching.
Rencontres en libres associations alors, les portes de l'Atelier étaient grandes ouvertes ce soir-là pour découvrir, au contact et du dedans, l'accompagnement au naturel et en duo féminin-masculin.
Au naturel toujours, parce qu'avec 3,8 milliards d'années de R&D à son actif, la nature a forcément des choses à nous apprendre.
Et en duo féminin-masculin parce que, quoiqu'on dise, c'est bien ça l'origine du monde.
On a aussi aimé inviter Alexandra Ha Duong, une gentille barbare rencontrée un soir de printemps et qui, caméra au poing, a pris soin d'attraper des mots et des images, et puis tisser un fil de ce moment-là.
Merci à Loïc Deconche, Lionel Ancelet et Karim Meslem pour les mots et les échos à cette forme-là d'accompagnement.
« Quel accompagnement des managers pour l'entreprise réinventée ? »
Disruptures, uberisation, corporate hackers, job out, entreprises libérées… quand le monde économique et les modes de management sont bouleversés, les modèles de coaching sont aussi remis en question et appelés à se renouveler ; profondément.
Et pour avancer sur ces chemins par nature inconnus et qui se dérobent toujours, nous aimerons réunir dans un même atelier les parties prenantes du coaching d'entreprise : managers, RH et coachs.
Et nous accompagnerons ensemble ces trois communautés pour quitter un instant – le temps de l'atelier –, les rôles établis et les cadres de référence, les postures et les process d'accompagnement des ressources humaines, et puis alors cheminer, confronter et mettre à jour ce qui, pour chacun singulièrement, freine et libère cette dynamique de transformation.
Et pour animer ce groupe-là sur le fil du chaos créateur, nous proposerons un mode de travail tout à la fois sécure et ouvert au surgissement et à l'inattendu : l'accompagnement au naturel et en duo féminin-masculin.
Ça, c'est le pitch de notre nouvel atelier avec Eva pour la Journée d'études ICF, à Lille, le 23 janvier prochain.
– Quand j'étais enfant, je me demandais où elles étaient les cigales qui chantaient sur les chemins au soleil ?
Elle me dit ça en marchant, là, sur le chemin des cigales, et je sens bien que ce n'est pas vraiment une question au fond. Elle aime bien babiller comme ça avec moi et sur le fil des associations libres.
– Mais moi, je n'ai jamais vu les cigales quand elles chantaient, elle ajoute.
Et je vois bien qu'elle pose tout doucement ses pieds sur le chemin, qu'elle scrute les hautes herbes, les creux du sentier et de l'enfance.
– …
Je me ballade en vélo ou en trottinette avec mon frère. On est en enfance. Soudain il y a une femme en voiture pas sympa du tout qui stoppe brusquement devant nous. Et elle sort de sa voiture. Et elle veut nous faire la morale mais je ne sais pas trop pourquoi au fond. Et c'est plutôt dirigé vers mon frère. Alors je m'arrête et je l'insulte à mon tour. Je lui dis qu'elle est vieille, grosse, vraiment très moche et je lui balance plein d'autres gros mots pour bien la blesser au fond mais dont je ne me rappelle pas à présent.
Alors elle pique une grosse crise de rage. Mais mon frère et moi on file illico et à grande vitesse, en vélo ou en trottinette toujours. Et j'ai très peur que la femme nous poursuive. On traverse des petits villages de pierre dans le Sud Ouest de la France, genre Saint-Antonin Noble Val ou Cordes-sur-Ciel. Mais mon frère, derrière moi, va beaucoup moins vite hélas, alors j'ai peur que la méchante femme le rattrape.
Je me réveille parce que je crois que quelqu'un me dit que la femme est maintenant très très mal en point, genre crise cardiaque. Et que tout ça c'est peut-être de ma faute. Mais c'est elle qui a commencé, non !? je me dis.
En coin ou de biais, par en dessous et de travers… C'est ainsi que jusqu'alors j'aimais ajouter à mon regard plein de mots et de manières. Et je croyais que ce regard-là c'était pour veiller au grain, parer au pire, autour de moi et depuis toujours. Regard en coin ou de travers.
Une manière de vivre aussi. Toujours en alerte, au fond.
– Ça m'a fait vraiment bizarre de vous serrer la main, là, en entrant, je lui dis.
Je lui dis ça à peine allongé alors que d'habitude je me torture pour savoir comment commencer. Et je continue :
– Je sais bien que c'est un rituel social, mais ce soir soudain c'est très bizarre pour moi. Je crois que certains psys ne font pas ça : ils ne touchent jamais leurs patients. Et c'est peut-être à cause de ce côté bizarre au fond.
– Et moi, je sers la main, elle dit.
Elle me dit ça du tac au tac comme pour enfoncer le clou ou peut-être qu'elle se sent attaquée dans sa manière de faire là. Mais je ne cherche vraiment plus la bagarre avec elle à présent. Ou alors c'est de plus en plus inconscient !
Et je continue :
Parce qu'accompagner c'est tout à la fois un métier, une passion et une prestation, Eva & moi on a aimé créer et animer cette année l'Ecole nouvelle de l'Accompagnement.
Buissonnière, cette école-là continue à la rentrée prochaine ; et toujours sous le signe de l'entrepreneuriat et sur le mode du compagnonnage.
Et quelques pas plus loin sur les sentiers de l'accompagnement au naturel, nous ouvrons aussi avec bonheur les portes de La Compagnie des Superviseurs.
Et cette compagnie-là c'est pas pour vous faire la morale ni pour vous tatouer.
– Là où il y a Pégase et des lions d'or ou de pierre, je t'ai proposé.
– C'est le pont Alexandre III, tu m'as dit.
Rive gauche ou rive droite, sur le dessus ou le dessous, on s'est retrouvé au beau milieu de ce pont-là, sans trop de textos ni de soucis.
Il faisait très chaud ce soir-là et c'était noir de monde sur les quais, devant le Rosa Bonheur et jusqu'à la Concorde. Tous les hipsters et les touristes, tous les ados et même les geeks étaient agglutinés sur les berges de béton comme pour se tenir encore plus chaud. Et comme sur la côte d'azur alors. C'est vraiment bizarre ce besoin de grégarité.
- "La finitude ou le sexe ? On avait imaginé que vous nous proposeriez ça ce soir ; on avait même pris les paris entre nous."
- "Non, non et non ! On ne veut pas terminer le master en se fragmentant en sous-groupes. Nous, on veut rester là, en plénière. "
- "Non, pas besoin d'un leader dans chaque groupe."
- "Et nous, on prend l'atelier "Pedigree & tatouages" et on ne changera pas de groupe !"
C'était hier soir à Paris 2, dernière séance et dernier cours du master Coaching. J'ai choisi un thème inédit : "Le coach libéré !" Parce que "l'entreprise libérée" c'est tendance en ce moment et que les coachs se disent "libérateurs" alors ; mais, avec tous les modèles et les tabous, les rituels et les questions de posture sans imposture, c'est parfois plutôt coincé au fond.
Alors j'ai commencé par moi-même, une fois le topo du soir partagé, bon an mal an, je n'habitais plus à l'adresse indiquée : no-prof, no-maître, no-coach, no-superviseur...
Et là, en partage, le fil d'Ariane de ce début de soirée parce que j'avais encore besoin d'un bout d'anti-sèche.